Après la Persuasion et la rhétorique, cette édition d'un choix de correspondances de Carlo Michelstaedter nous permet d'approcher au plus près la figure du jeune philosophe de Gorizia, mort suicidé à l'âge de 23 ans. Ces lettres écrites entre 1905 et 1910 nous donnent le détail, au jour le jour d'un destin en train de s'accomplir. Pas de révélation, mais la lente fabrication de l'énigme d'une vie figée dans l'instant. Enigme laissée sans résolution, incitant le lecteur à affronter le Sphinx de la rhétorique; énigme d'une prophétie, pourtant, en train de se réaliser. Enigme d'une étonnante vitalité qui, comme la lampe de la Persuasion ne s'éteint «par trop d'huile».
Ces lettres à sa famille, à ses amis (dont Nino Paternolli et Enrico Mreule, les ‘héros’ d'Une autre mer de Claudio Magris) , à ses amours, constituent la trame d'une «confrérie des bienveillants» qui s'oppose à la «clique des malfaisants», dénoncée dans la Persuasion. Et la lettre devient le lieu privilégié d'une amitié «stellaire», consistante, résistant au poids de monde qui toujours «tend vers le plus bas».
«La correspondance [de Michelstaedter] éclaire en perspective l’oeuvre, la prépare peut-être, mais ne porte pas trace de "prolégomènes à une mort annoncée". Ce qui là, lentement, se fabrique c’est bien une énigme.» R. Maggiori (Libération).
Né à Gorizia en 1887, Michelstaedter étudie à Florence, où il rédige son « mémoire de maîtrise » unique en son genre, sur les concepts de persuasion et de rhétorique chez Platon et Aristote. Le soir de l’achèvement de son travail en octobre 1910, il se tire une balle dans la tête. Il avait 23 ans.
«Chacun de nous, lecteur par profession ou par amour, connaît quelques volumes dont il n’est pas sorti indemne... Pour ma part, je n’hésiterai pas à y mettre désormais la Persuasion et la rhétorique», écrivait Roger Pol Droit dans le Monde lors de la parution de ce titre.
Drân La vie obscure