Quelle place peut occuper le rire dans une œuvre de création sur la Shoah? La transmission de sa mémoire par l’humour est-elle envisageable? Toute écriture sur le sujet ne peut éluder la mise en garde d’Adorno selon laquelle «écrire un poème après Auschwitz est barbare». Mais un demi-siècle plus tard, l’art reprend ses droits pour (re)dire, avec ses propres mots, que «cela ne doit plus jamais arriver». Et le rire resurgit alors comme «écho de la délivrance du joug du pouvoir». Il résonne dans les œuvres de Kertész, Gary, Hilsenrath, Tabori, Becker, Schindel ou Rabinovici, renouant avec une tradition littéraire qui en faisait une arme contre l’ignominie; il s’affiche, plus problématique encore, quand le cinéma ou la BD s’en mêlent. Un «rire réconcilié », mais traversé par la catastrophe, qu’interrogent les chercheurs, écrivains, cinéastes et dessinateurs rassemblés ici.
Sommaire
Avertissement par Andréa Lauterwein et Colette Strauss-Hiva (lire)
Introduction par Andréa Lauterwein (lire)
I. Le rire à la limite
« La persécution des Juifs comme motif comique dans la littérature allemande du 19e siècle (Brentano – Grimm – Hauff) », par Rüdiger Steinlein (Berlin Humboldt).
« Quelques remarques de Walter Benjamin sur Karl Kraus ou comment l’historien matérialiste ruse avec le rire barbare du chroniqueur », par Marianne Dautrey (Paris I).
« Hitler ne m'inspire pas », par Gerald Stieg (Paris III).
« La connaissance ou les armes ? Situation historique des satires écrites en exil » par Stefan Braese (TU Berlin).
« Rire dans les ghettos et les camps », par Andréa Lauterwein.
Entretien avec Haïm Vidal-Sephiha
II. Le rire étranglé
« Paul Celan. L’unique occurrence du mot ‘rire’ dans le poème Kleine Nacht », par Jean-Pierre Lefebvre (ENS, Paris).
« Rire à tout prix ? Adorno contre la fausse réconciliation », par Diane Cohen (Jérusalem).
« Horrible, humour noir, rire blanc. Quelques réflexions sur la représentation littéraire de la Shoah » par Judith Kauffmann (Bar-Ilan).
« ‘Dans un instant vous roulerez vers le bonheur’. Stratégies d’écriture ironiques et polyphoniques dans le roman Un voyage de H.G. Adler », par Ruth Vogel-Klein (ENS, Paris).
« ‘Désirs d’Auschwitz’. Le comique et le rire dans la littérature germanophone de la Shoah depuis 1945 », par Anne Peiter (La Réunion).
« ‘L’esprit gai, le cœur triste’. Imre Kertész et l’ambivalence du rire », par Ilma Rakusa (Zurich).
« ‘Moi, le bourreau...’ : de l’inversion victime-bourreau chez Romain Gary et Edgar Hilsenrath », par Aurélia Kalisky (Paris III, TU Berlin).
« Trois ‘passeurs de témoin’ : Jurek Becker, Edgar Hilsenrath, Ruth Klüger », par Andréa Lauterwein.
Entretien avec Michel Kichka (dessinateur, Paris/Jérusalem).
III. Questions et controverses
« Rire dans le malheur, rire du malheur. L’humour juif comme mode de transmission », par Judith Stora-Sandor (Paris 8).
Entretien avec Doron Rabinovici (écrivain, Vienne).
« Affinités transatlantiques. Un sit-down comedian nommé Kafka », par Manuel Gogos (Bonn).
« L’année dernière à Auschwitz : usages de la Shoah dans l’oeuvre de Maxim Biller », par Christian Mariotte (Reims).
« Le théâtre de George Tabori », par Anat Feinberg (Heidelberg).
« Le rire et la mémoire de la Shoah dans les écrits de Robert Schindel », par Béatrice Gonzalés-Vangell (Rostock).
Entretien avec Robert Schindel (écrivain, Vienne).
« Les comédies cinématographiques de la Shoah : le rire au service d’une mémoire du bien », par Sébastien Fevry (Louvain).
« Nouvelles ingénuités. La vie est-elle belle… », par Andréa Lauterwein.
Entretien avec Dani Levy (cinéaste, Berlin).
Entretien avec Zafer Senocak (écrivain, Berlin).
« En guise de conclusion : je twisterai les mots s’il fallait les twister », par Colette Strauss-Hiva.
Poèmes écrits à Bergen-Belsen en 1944 en sa treizième année