Penser en acte: et l’homme préfère considérer la formule comme simple juxtaposition de mots, quand il fait le constat d’une «pensée séparée de la vie». Cela viendrait-il qu’il ne pense qu’avec des mots qui le tirent le plus souvent vers ce qu’ils veulent communément dire, et non plus vers ce qu’il voudrait, lui, penser ? Comment chercher, dans ces conditions, une façon acceptable d’être et de penser ? Tout au long de ses carnets d’Ouessant, d’essais parallèles de transcriptions à l’infinitif de Descartes, Nietzsche, Wittgenstein, Kant, Aristote ou Heidegger, de postfaces à Croire devoir penser, et d’annotations au «chantier de la philosophie», Emmanuel Fournier détaille avec une grande honnêteté et un sens minutieux de l’humour ce qu’il entend par «penser à l’infinitif».
Qu’il s’agisse de ses recherches philosophiques et poétiques autour de l’infinitif, aux Éditions de l’éclat (Croire devoir penser, 1996 ; L’infinitif des pensées, 2000, Philosophie infinitive, 2014) ou chez Eric Pesty (Mer à faire, 2005), de son essai sur le cerveau (Creuser la cervelle, PUF, 2012), ou de ses investigations au trait qui proposent une grammaire du dessin (La même chose, Corduriès, 1993), Emmanuel Fournier bouleverse nos habitudes de penser, se concentre sur la langue et ses abîmes et nous ouvre des horizons de lecture insoupçonnés.