La nuit de Gethsémani, Pierre s’endormit et ne put prévenir le Christ de l’arrivée des soldats. Depuis, nous dit Pascal, «Jésus est à l’agonie jusqu’à la fin du monde : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là ». C’est le point de départ de l’essai de Chestov, qui, à son tour, nous enjoint de rester éveillés pour qu’une nouvelle nuit de Gethsémani, pour l’homme, ne se reproduise pas; pour que l’homme ne se voie pas condamné à l’agonie jusqu’à la fin du monde, parce qu’il n’aura pas veillé sur sa liberté première que lui octroie la connaissance de ses propres limites.
Dans la lignée d’un Nietzsche ou d’un Kierkegaard, Léon Chestov (1886-1938) est un philosophe inclassable, « avec Dieu, sans maître », « dévastateur de la raison », qui a profondément marqué la pensée européenne à partir des années 1920 — si profondément qu’on l’aura oublié quelque temps, malgré les nombreuses traductions françaises, mais qu’il resurgit régulièrement, et encore récemment avec la réédition de ses œuvres les plus importantes aux éditions Le Bruit du temps.
Le Jésus de Nietzsche