Ernst Bloch a publié deux éditions consécutives de L’Esprit de l’Utopie, en 1918 puis en 1923. Entre-temps, il s’est rapproché du socialisme avec une monographie sur Thomas Münzer. Avec ses traits millénaristes et hérétiques, la Guerre des paysans d’Allemagne a pris désormais l’importance d’un modèle historique décisif. Entre ces deux éditions, le livre subit quelques changements, dont la suppression d’un chapitre: «Symbole: les Juifs», rédigé bien antérieurement, en 1912, lorsque, dans un contexte d’intenses échanges avec Georg Lukács, les deux amis font l’expérience du renouveau du judaïsme. Commençant par la proclamation éclatante: «S’éveille enfin la fierté d’être juif…», cet écrit du jeune Bloch offre une interprétation messianique et néo-marcionite de la «question juive», très éloignée de celle de Marx en 1843. Dans son essai introductif, Raphaël Lellouche, « Les juifs dans l’utopie» retrace l’histoire de ce chapitre ‘oublié’, et montre combien non seulement il renouvelle notre compréhension du jeune Bloch et de la genèse de sa philosophie de l’utopie, mais révèle aussi l’actualité de sa «gnose révolutionnaire».
Ernst Bloch (1885-1977), philosophe marxiste "non orthodoxe", disent les notices biographiques, est l'auteur d'une oeuvre immense, depuis ses premiers écrits sur Thomas Münzer ou sur la question du droit, à son Principe espérance (en 3 volumes), commencé en 1938 et publié à partir de 1954 alors qu'il enseigne à Leipzig en RDA. Accusé de «corrompre la jeunesse», il gagnera la RFA en 1961, où il finira sa carrière universitaire.
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