Yona Friedman
Yona Friedman est né à Budapest le 5 juin 1923 dans une famille juive laïque. Du fait des lois raciales, Il étudie l’architecture en auditeur libre à l’Université Royale Polytechnique, à partir de 1943. Résistant pendant la guerre, il est arrêté mais parvient à s’enfuir. Après un passage par un camp de réfugiés en Roumanie, il émigre en Palestine mandataire en 1946, où il reprend ses études au Technion de Haïfa, tout en travaillant comme ouvrier du bâtiment, jusqu’à son diplôme en 1949. C’est en Israël qu’il réalise ses premiers projets, au contact du mouvement des kibboutzim au sein duquel il découvre et expérimente nombre de ses conceptions à venir.
Il voyage en Europe et participe en 1956 au Congrès International d’Architecture Moderne où il présente son idée d’architecture mobile. À l’invitation de Jean Prouvé, il s’installe à Paris en 1957, où il rencontre sa femme Denise Charvein, avec qui il réalisera une série de dessins animés sur des légendes africaines qui obtient un Lion d’Or à Venise en 1962. Il développe ses idées de ville spatiale et d’architecture mobile, au sein du GEAM (Groupe d’Etudes d’Architecture Mobile) qu’il crée en 1958, et qui suscite autant d’intérêt que de méfiance (jusqu’à l’hostilité) de la part de la communauté des architectes.
En 1964, il se rend aux USA et interviendra par la suite comme Professeur invité au MIT et dans les universités de Californie, Harvard, Princeton etc. ce qui lui donne une certaine liberté à la fois matérielle et conceptuelle.
En 1965, il participe au GIAP (Groupe International d’Architecture Prospective), créé par Michel Ragon, qui est plus un forum de discussion sur les utopies qu’un projet de concrétisation de ces utopies, lesquelles, pour Friedman, n’avaient de sens que si elles étaient réalisables.
Naturalisé en 1966, il s’installe en 1968 dans un appartement du Boulevard Garibaldi qui abritera au fin des ans ses innombrables maquettes, dessins et autres gribouillis jusqu’à devenir une œuvre elle-même, qui sera exposée en 1999 au NAI (Netherlands Architecture Institute) de Rotterdam, avant que le Fonds National d’Art Contemporain n’en fasse l’acquisition au titre du Patrimoine.
Les projets de Friedman sont multiples et il participe à plusieurs concours en France (Gare Saint-Lazare, Forum des Halles, Centre Georges Pompidou…) ou dans le monde (Tunis, Budapest, Madras, Shanghaï etc.) mais ne seront réalisés quasiment que le Lycée David d’Angers en 1981, sur le principe d’une architecture conçue par les habitants eux-mêmes (ici les enseignants et les élèves), et, en 1987, le Museum of Simple Technology (Madras, Inde) selon des principes d’auto-construction.
Outre les manuels d’architecture autogérée publiés sous les auspices de l’Unesco ou du Conseil de l’Europe et ronéotés de manière rudimentaire, Friedman a développé une pensée a-topique plus qu’utopique et d’une grande originalité autour des concepts d’utopie réalisable, d’architecture de survie, d’ordre compliqué ou d’univers erratique, dans un certain nombre de livres publiés à partir des années 70 et qui ont fait l’objet de nouvelles éditions à partir de 2000, rappelant au bon souvenir du XXIe siècle l’œuvre et la pensée d’un homme discret, drôle, indiscipliné, et dont la générosité n’avait d’égale que cette inventivité insatiable, dont il a fait preuve jusqu’aux derniers jours de sa vie.
Ses multiples créations (Space chains, Gribouillis, Iconostases, Meubles plus etc.) conçues à l’origine comme des éléments d’une architecture mobile, vivent aujourd’hui leur vie d’objet d’art et sont exposés dans des galeries privées, des Centre nationaux, Fonds régionaux et Musées d’art contemporain, ou encore in situ (avec la collaboration de Jean-Baptiste Decavèle à partir de 2006), lui conférant un statut d’artiste qu’il ne revendique pas plus que celui d’architecte, sinon pour les Musées sans portes (1987) ou même sans bâtiment qu’il a conçus en 2012. En 2018 il a reçu le Prix d’architecture et d’art Friedrich-Kiesler (Vienne, Autriche)
Ces dernières années plusieurs expositions d’envergure lui ont été consacrées : au Power Station of Art de Shanghai, à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine de Paris, au MAXXI de Rome, ou encore au MUAC de Mexico, à partir des différents fonds constitués à son initiative à la Getty Foundation (Los Angeles), au CNEAI (Pantin) ou le Fonds de Dotation Yona et Denise Friedman qu’il avait créé il y a deux ans pour que l’œuvre vive et se poursuive.
Sa disparition est annoncée le 21 février 2020. Lire notre hommage