Les éditions de l’éclat ont 30 ans en 2015. Le « bel âge » selon Balzac… L’âge de raison ou le commencement d’une seconde crise d’adolescence ? L’éclat, son fonctionnement, ses humeurs, c’est d’abord un nombre très limité de personnes, deux, trois parfois. Nous ne parlons pas du très grand nombre d’auteurs, traducteurs, préfaciers, etc. qui n’en sont pas la machinerie, mais l’œuvre. Nous parlons, de manière prosaïque, des machinistes, de la coulisse, des poulies et des cintres. De « nous ». Les ‘éclats’. Et à force de ranimer chaque jour les braises du poêle de ce que nous imaginons comme un atelier et non comme un bureau coquet, nous avons fini par délimiter les contours d’un monde d’édition, bien éloigné du ‘grand-monde’, et à nous adresser à lui comme à un animal familier, indocile et têtu, respirant d’un souffle profond et défiant les coups du sort. L’éclat, comme dans les représentations des planètes anciennes, repose sur un socle, qui est son catalogue, et c’est vers lui que nous revenons quand la tempête secoue la fragile armature de papier. Maintenant la tempête numérique s’est levée, elle bouleverse notre monde et c’est pourtant l’indécision qui la conduit. Dans les innombrables combinaisons de 0 et de 1, le trouble règne. Pourquoi un monde devrait-il en remplacer un autre ? Encore le coup de la ‘nouveauté’ ? Encore le coup du progrès ? Et après? Le livre virtuel, puis plus de livres du tout ? C’est un peu tout ça (et bien d’autres choses) qui nous a incité.e.s à donner une année (ou presque) de respiration à L’éclat, à laisser souffler la bête pour ses 30 bougies. Revenir sur le travail accompli, faire connaître notre fonds, car c’est lui, et lui seul, qui plaide pour la pérennité du livre. Pour ce faire nous aimerions renforcer notre partenariat avec la librairie indépendante, lieu unique de découverte et d’échange, quand elle a fait le choix, elle aussi, du fonds, du catalogue, et continue de susciter l’étonnement et le hasard chez les flâneurs du jeune 21e siècle. Et pour donner à nos livres une chance nouvelle de trouver de nouveaux lecteurs, nous avons décidé de créer une collection au format poche, consacrée, dans un premier temps, à la réédition de certains titres qui ont marqué le catalogue, et de réimprimer également des titres épuisés. Un seul livre nouveau pourtant en cette année de respiration : Shabbat de Benjamin Gross (p. 50 du catalogue) qui paraît en janvier. S’y ajoutera un petit livre de Patricia Farazzi, «Un crime parfait», qui accompagnera la republication en poche de La persuasion et la rhétorique de Carlo Michelstaedter.
Avant le livre – Giorgio Colli ne cesse de nous le rappeler, lui qui fut philosophe et éditeur, traducteur et poète – il y eut la parole vivante, l’immédiateté, la vissutezza, mot intraduisible où l’on sent la « vie frémissante ». C’est à la préservation de cette part indispensable à l’écrit que nous tâcherons d’employer cette respiration.
P. Farazzi & M. Valensi
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