Notre monde plie sous le poids d’objets consommables à souhait, caducs à la mesure de leur ‘utilité’, encombrant l’espace de notre respiration, jusqu’à ce qu’essouflés nous protestions : «Mais avait-on besoin de tant de choses?» Il en est d’autres pourtant, insaisissables, joignant le «futile à l’agréable», se dérobant à l’emploi avec une élégance espiègle. Objets inconsommables, débordant nos certitudes, surgissant au cœur d’une œuvre littéraire (Borges, Proust), d’un tableau (Le radeau de la Méduse de Géricault, La Machine à gazouiller de Klee), d’un film (Eve de Mankiewicz, Gladiator de Ridley Scott), ou heurtant le flâneur au détour d’une rue, d’un musée de la porcelaine, ou d’un portique ouvrant sur un ancien jardin. Dès lors, l’éloge de ces objets inconsommables consistera à désigner le territoire où ils nous livrent un sens nouveau, un plein étonnement, une revenue au monde, dessinant les contours mêmes de la philosophie.
Jean-Clet Martin enseigne la philosophie. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont La philosophie de Gilles Deleuze (Payot), Van Gogh. L’œil des Choses (Les Empêcheurs), et, aux éditions de l’éclat, Borges, une biographie de l'éternité (2006) et Deleuze (2012). Il anime un blog consacré à la philosophie.