Il est rare qu’une œuvre soit aussi intimement liée à la vie de son auteur, comme celle de Friedrich Nietzsche (1844-1900), qui écrivait à son ami Jakob Burckhardt : « j’ai atteint le point où je vis comme je pense. » Et c’est de ce point-là qu’est parti Jean-Luc Bourgeois dans ce livre, suivant pas à pas les travaux et les jours d’un homme qui est allé bien au-delà de ses propres forces, pour élaborer l’une des philosophies les plus radicales et les plus bouleversantes de notre modernité. Ainsi, c’est un Nietzsche par lui-même qui est donné à lire, où tous les événements de sa biographie sont documentés par des extraits de l’œuvre elle-même : livres publiés, lettres envoyées, mais aussi les milliers de brouillons et notes posthumes, accompagnés par des extraits de correspondances de tous ceux qui de près ou de loin ont approché Nietzsche, depuis la pieuse enfance à Röcken jusqu’aux douze années prostrées à Weimar, après l’effondrement de Turin en 1888. Et l’on voyage ainsi de Bâle à Sils-Maria, de Zurich à Messine, de Nice à Rapallo, en compagnie des amis fidèles Overbeck ou Gast, des confrères Rohde ou Ritschl, des nombreuses amours ou confidentes, Cosima Wagner, Lou Salomé, Malwida von Meysenbug, Louise Ott, Meta von Salis, avec l’ombre toujours d’une sœur possessive et grotesque, si elle n’en était pas nuisible, ou celle de Richard Wagner, adulé puis haï, tout comme cette Allemagne qui lui devient « importune et étrangère » au fur et à mesure que s’y amplifie la menace antisémite annonçant la barbarie future.
Musicien, philosophe, écrivain et scénariste, Jean-Luc Bourgeois (1947) a commencé à s’intéresser à Nietzsche il y a plus de quarante ans et – outre des travaux universitaires sur l’homme et l’œuvre –, il a co-réalisé en 2012 avec Bertrand Theubet un documentaire : L’alpiniste et le prophète. Curt Paul Janz, Friedrich Nietzsche et la musique. En 2019, il a publié aux éditions Van Dieren, La Mesure des vents, sorte de voyage initiatique autour du chef d’orchestre Ernst Ansermet et de l’archipel des Açores, battu par les vents. Il vit et travaille à Lausanne.
En couverture : André Marfaing, Sans titre, 1971, acrylique sur toile, 99 x 81 cm
© galerie Berthet-Aittouarès.
Lire l'article de Nicolas Weill dans Le Monde
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