«Fétiche» est un terme dont la réputation est depuis toujours entachée. Avant que le XIXe siècle ne se l'approprie (fétichisme des marchandises chez Marx, sexuel chez Freud), le fétiche a une histoire linguistique et théorique singulière dont l'origine se trouve dans le brassage multiculturel des côtes de l'Afrique de l'Ouest aux XVe et XVIe siècles, lorsque les marchands portugais arrivent en Guinée et se confrontent à des systèmes de valeurs économiques et religieux différents des catégories européennes. En remontant aux racines de l'Église catholique, William Pietz retrace la généalogie du «fétiche» et dévoile la complexe histoire d'une problématique qui pendant longtemps a concerné, de manières diverses, la pérennité des échanges économiques, le pouvoir de l'image idolâtrée, les pratiques de sorcellerie, l'incarnation du divin, les théories sur les religions primitives. Du latin factitius au pidgin fetisso, de Tertullien à Charles de Brosses, ce livre montre toute la complexité de cette «idée-problème» qui a participé aux fondements des sciences humaines occidentales.
«William Pietz est le président de Brosses du XXe siècle : il a repris toute l'histoire des liens entre l'Occident et la question des fétiches, et jeté une lueur décisive sur la notion marxienne de fétichisation des marchandises. Ce travail d'érudition méticuleuse manquait à tous ceux qui s'intéressent à l'invention de l'idée même de croyance.»
Bruno Latour