À la manière d’un aimant, la question d’Israël affole les boussoles de la pensée et inverse une fois encore la vieille dialectique que Marx avait pourtant remise sur ses pieds. Quand il s’agit de critiquer l’impérialisme ou les formes larvées d’un colonialisme revisité, Israël est la cible privilégiée de mouvements les plus divers qui semblent s’accommoder toutefois de formes autrement violentes, autrement insupportables, des pires théocraties, travestis en mouvements de libération nationale. Mais Israël est aussi l’écran de fumée derrière lequel nos démocraties occidentales se livrent aux plus insignes exactions, brandissant le « cancer Israël », qui est à peine un rhume de foin au regard de ce qui se trame, ne serait-ce que dans ce qu’on appelle la Françafrique, avec sa ribambelle de massacres, famines, rapines et corruptions. Se pourrait-il alors que le mal dont souffrent nos penseurs bien-pensants soit une simple allergie aux Juifs, «peuple sûr de lui et dominateur», comme on a pu le dire jadis et naguère ? Ivan Segré remet les choses à leur place et revient sur la célèbre phrase de De Gaulle, qu’il lit dans un contexte plus large qui va de la Guerre des Six jours à la … guerre du Biafra, où d’importants intérêts étaient en jeu pour la France. Il prône ici un anti-impérialisme qui vise la bonne cible: notre vieil Occident, quand il est sûr de lui et dominateur.
Philosophe et talmudiste, « à l’affût de toutes les convergences progressistes », Ivan Segré est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont, récemment, Les Pingouins de l’universel. Antijudaïsme, antisémitisme, antisionisme (Lignes, 2017), ou La trique, le pétrole et l’opium. Sur la laïcité, la religion et le capital (Libertalia, 2019).
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