À la suite à Halakha et Aggada, de Ḥayyim Naḥman Bialik, notre ami Jean Getzel a souhaité explorer plus encore cette part moins connue de l’œuvre du poète national d’Israël, qui, sous la forme de «conversations entre amis », est d’une extraordinaire profondeur, au point que son ami Rawidowicz a pu le définir comme « l’homme insurpassé de l’intuition juive ». Les deux textes proposés dans ce petit volume, renvoient, chacun à sa manière, à Halakha et Aggada. Le premier parce qu’il revient et insiste sur le thème de la dialectique comme fondement du judaïsme et de sa pensée. « Sur le dualisme en Israël » déplace la dialectique des deux grands axes du Talmud dans le domaine de l’histoire juive et l’applique à la naissance de la nation. Exil et retour constituent ainsi les deux faces d’un dualisme fécond que n’interrompra pas l’établissement d’un État, fût-il juif. Le second reprend le thème de la Aggada, sur laquelle Bialik ne cessera de travailler tout au long de sa vie, et sur la manière dont il souhaite lui donner toute la place qu’elle mérite dans le système éducatif de ce « nouveau pays ancien », tout en conservant ses bases traditionnelles. Et là aussi l’articulation dialectique entre ancien et nouveau est primordiale, jusque dans le sens des mots, empruntés à la tradition, qui se réinventent au contact d’une « modernité normative », pour reprendre la formule de Stéphane Mosès. La forme de la conversation que prennent ces conférences, l’une prononcée à Berlin en 1922, l’autre à Tel Aviv en 1933, disent toute la richesse d’une pensée peu connue, vagabonde, et dont le « rayonnement spirituel », écrivait Gershom Scholem, « a éclairé notre horizon d’une lumière singulière ».
Hayyim Nahman Bialik (1873-1934), poète et essayiste, vécut à Tel Aviv à partir de 1924. Il est considéré comme le fondateur de la littérature hébraïque moderne.