Avot Yeshurun

Trente pages d’Avot Yeshurun

Shloshim amoud' shel Avot Yeshurun

Lyber

Viendra un jour où
personne ne lira les lettres de ma mère.
J’en ai tout
un paquet.
Ni qui.
Ni quoi.

Viendra un jour où personne ne les prendra dans
ses mains.
Il y en a toute une liasse – trop.
On dira : papier, bouts de –
pas
plus.

Ce jour-là, je les emporterai dans la grotte de Bar-Kokhba
pour les jeter à la poussière.
L’ancien monde
n’ira pas rechercher là
une langue maternelle.»

« Mon hébreu est un être humain, ce n’est pas une langue… C’est un homme qui vit ici. Ici et maintenant, parce qu’il est obligé d’y vivre, qu’il obéit à une nécessité. ... C’est tout ce que j’ai ramassé en chemin. »

 

J’ai abandonné un pays, j’ai abandonné une langue,
j’ai abandonné un peuple.
J’ai abandonné une ville. J’ai abandonné des Perlemuter juifs.
J’ai abandonné leur langue.
J’ai abandonné mon père, j’ai abandonné ma mère,
j’ai abandonné mes frères et ma sœur.
Et je suis allé en terre de Palestine tel-avivienne
et j’ai adopté un hébreu tel-avivrien.

Mais un événement d’apparence banale viendra jouer un rôle déterminant dans l’écriture poétique d’Avot Yeshurun (1904-1992) : la réapparition des lettres de sa famille restées souvent sans réponse. Retrouvées presque par hasard au fond de ses tiroirs comme dans autant de « tombeaux », il les arrache à la poussière et en fait Trente pages, comme trente jours de deuil, qui transcrivent presque littéralement, dans un hébreu portant la trace du feu, les lettres des siens.

Edition bilingue hébreu/français

Avot Yeshurun (1904-1992) est un poète israélien, né en Ukraine et qui a émigré en Palestine en 1925. Toute sa famille, restée en Ukraine et qui était opposée à son départ, a été assassinée au camp de Maidanek. Son oeuvre poétique, parmi les plus originales de la littérature israélienne, est une perpétuelle recherche de la langue, entre hébreu et yiddish, ou entre hébreu et arabe, considérant que son attachement à cette terre nouvelle se devait d'être aussi attachement à tous ses habitants. Un premier recueil, La faille syro-africaine, a paru aux Editions Actes Sud, traduit et présenté également par Bee Formentelli.

Ecouter Jacques Bonnaffé parler de Yeshurun et lire des extraits de Trente pages (sur France Culture)

 

Lire aussi
Début fin début   Poèmes de Jérusalem   Le poème domestique   Première lecture  
Collection  Paraboles
Sujets   Israël  |  Poésie

Année de parution : Septembre 2016
poèmes traduits de l'hébreu et présentés par Bee Formentelli
ISBN : 978-2-84162-402-7
96 pages
Prix : 10 €
Le site est sous licence CC
WP-Backgrounds Lite by InoPlugs Web Design and Juwelier Schönmann 1010 Wien