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Depuis Gell-Mann et la chromodynamique quantique, les progrès scientifiques sont lents et les tentatives d'unification sont actuellement si complexes que les scientifiques arrivent à peine à les comprendre. L'objectif actuel: approcher la possible théorie d'unification des quatre forces physiques, découvrir le boson de Higgs, découvrir le «graviton», seule particule manquante véhiculant la gravitation; à partir de l'étude de la théorie des cordes, de la supersymétrie et de la cinquième dimension, etc. Mais la première théorie de grande unification des trois forces (électromagnétique, nucléaires forte et faible) n'est pas entièrement vérifiée et demeure encore pour une large part dans le domaine de la spéculation (gravitation quantique, etc.). Toutes ces recherches sont en attente des prochaines investigations du CERN français ou des laboratoires américains, orientés dans l'ordre des contraintes de développement consubstantiel de la science et du pouvoir.
«(...) La gravité est l'archive naturelle de toute chose'. Sans elle, il n'y a pas de hiérarchies dans les poids et les volumes. En tant que matérialistes, nous y souscrivons. Hors de cette archive pesante, non seulement les choses ne peuvent pas être, mais non plus la psyché, c'est-à-dire la vie. Le problème cosmos-vie-pensée a une clé. La gravité(34).» rappelait Amadeo Bordiga au début de la course à la Lune. Les longues missions russes en station spatiale ont été une lutte pour prouver la capacité des hommes à survivre des mois en gravité zéro. Mais au demeurant, un monopole a pesé sur les questions spatiales. Et un cadre d'entraînement très strict a toujours prévalu. Aujourd'hui le Medes à Toulouse propose à des volontaires bien rémunérés de passer trois mois allongés en permanence pour mesurer les aptitudes humaines à survivre en gravité zéro. Le seul espoir que nous aurions serait de rejoindre des équipes volontaires de cobayes humains en cellules ici-bas ou là-haut? Qui plus est, un discrédit constant est régulièrement porté sur les recherches de techniques à vocation «anti-gravitationnelles» de déplacement de peur que les applications terrestres qui pourraient en découler puissent échapper à une diffusion contrôlée. Le maître-mot des organismes scientifiques restant: nous devons uvrer pour les générations futures. L'accent est porté sur la compréhension physique et sur la difficulté du travail astronautique à entreprendre, tout en maintenant toujours en éveil le rêve que les nouvelles recherches apporteraient peut-être les idées pratiques pour se «libérer de la gravité». Mais qui peut le dire? La Super-Force restant tout de même un vieux mythe de la science. Les techniques «anti-gravitationnelles» autant dire les techniques de lévitation semblant pouvoir, selon l'éternel mythe religieux de la «montée au ciel», constituer un ensemble «miraculeux» pour une vie communautaire pacifiée sur cette planète, ce qui aura conditionné le cauchemar des adorateurs de sectes depuis le début de l'Age Spatial. Dans l'étude des propulsions alternatives de Calligaris à Mandrake et Wilhem Reich, la bizarrologie et l'AAA a encore du chemin à faire.
«Quitter la gravité» est un sentiment qui a traversé l'AAA comme alternative au monopole scientifique, militaire et commercial véhiculant le mythe de l'inaccessibilité au voyage spatial. L'AAA aura vu une partie de ses efforts concrétisée par l'ouverture aux simples civils à partir de 1999 de l'accès aux vols paraboliques du Cosmodrome Youri Gagarine. En France pourtant, cette technique qui devrait être tout aussi accessible que la chute libre, est encore assujettie au monopole militaire et scientifique (à Toulouse et Bordeaux). Ayant développé à ces occasions des projets d'astronautique autonome, les membres du réseau AAA auront pourtant essentiellement uvré sur Terre. Contre les idées reçues dans les questions relatives à l'apesanteur et comme instrument de lutte contre la prédominance des intérêts scientifiques sur nos désirs humains de découvertes d'ambiances inconnues, l'AAA aura, par certains aspects, privilégié une méthodologie rigoureuse et mythopoétique et développé une articulation politique-pataphysique en son sein. Au-delà du simple rêve de l'«humain-artiste» en apesanteur, la vocation du réseau spectral rassemblant les astronautes autonomes est d'expérimenter dès maintenant de nouvelles formes d'interactions psycho-sociales, architectures de base de vies en microgravité, et d'élaborer des pistes transversales pour établir les conditions d'émancipation des technologies dites spatiales.
La Station Mir ne sera pas devenu le premier satellite archéo-technologique de l'exploration spatiale habitée. Le projet sur cinquante ans du satellite artificiel Noordung porte cet inachèvement en lui: le satellite la pyramide; le cabinet la chambre funéraire; les robots les sarcophages; les décors, le mobilier, les costumes les compositions murales, les coffres, étoffes et joyaux; le lancement définitif des modules en 2045 la dalle scellant la pyramide pour l'éternité. Mais il ne portera pas à son terme cette théâtralité littéralement pharaonique, cette symétrie de la mort. Le satellite ne sera pas scellé, mais les sarcophages seront répandus sur l'orbite en seize points. Il n'y aura pas de momies, pas de corps, juste quelques artefacts technologiques. Pas de modèle biologique en héritage. Nous laissons ici l'appréciation du projet sur cinquante ans aux archéologues du futur.
Si la terraformation est présentée dans la course à l'armement géo-économique comme solution de sortie de l'impasse où nous mène la société industrielle, ses technologies (nucléaires, climatiques, etc.) seront d'abord mises à l'épreuve sur Terre et prolongeront la durée du saccage. L'AAA a clairement établi qu'il n'y avait pas d'Utopie salvatrice au règlement de nos contradictions terrestres. A cet égard nous pouvons, avec toujours plus de surprises, observer les chocs en retour des multiples contre-désinformations que l'AAA a déployées comme techniques de résistance à la culture du mort-vivant. Si les astronautes autonomes suivent les voies des étoiles, c'est pour atteindre la Terre. C'est en cela que réside la consciente complexité de l'AAA.
Les premières missions spatiales étaient équipées d'ordinateurs de pilotage sommaires (ce qui aujourd'hui correspond à peu près à l'ordinateur personnel) et la fin de ce siècle a imposé le contrôle systématique (et sa régulation par le marché) sur les technologies informatiques, vecteurs potentiels d'émancipation participant des technologies spatiales, se traduisant par surveillance, censure, péages, taxes sur la duplication, etc., et par un asservissement augmenté. Si ces dernières années auront été marquées par une forme d'hystérie anti-technologique, l'originalité du projet AAA est qu'il n'aura pas uniquement focalisé son attention sur la technologie, mais plus véritablement sur les processus qui mènent à la fin de la valeur d'usage des technologies. Cela a défini son autonomie. Auguste Blanqui, dans L'Eternité par les astres, écrit en 1872 dans sa cellule du Château du Taureau au large de Morlaix (finis terrae !), envisageait des univers parallèles où l'histoire suivait un autre cours que celui qui l'avait condamné à la prison au lendemain de la Commune de Paris, comme autant d'échappées face à sa condition de prisonnier. Irrationnelle sans doute, son «échappée» (qui rejoint les fondements de l'uvre de Roger Gilbert-Lecomte) se place comme métaphore des possibles. Le temps se distingue de l'éternité parce qu'il est inséparable de la contingence, la contingence des futurs possibles. Pour permettre l'ouverture des conditions d'émancipation, la réinvention communautaire de l'histoire de ce monde et d'un futur possible, il faut poursuivre la critique de la militarisation de l'environnement planétaire et de son langage, de sa terminologie pure et continuer d'uvrer pour l'élaboration d'un champ critique de l'«espace officiel» sur Terre.
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