ANTHOLOGIE DE L'ASSOCIATION |
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Christoph Fringeli, Society of Unknows |
1 Post scriptum |
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Le 11 septembre 2001, à 8h45, un avion d'American Airlines avec 92 passagers à bord s'écrase dans la tour nord du World Trade Center à New York. 18 minutes plus tard, alors qu'une fumée épaisse s'élève vers le ciel, que la nouvelle d'une attaque par détournements simultanés se confirme, que les équipes de caméramans commencent à se rassembler et que l'on peut voir des personnes sauter du building en flammes, un deuxième avion s'écrase dans la tour sud, provoquant une énorme explosion du fait des 40 tonnes de kérosène contenues dans les avions long-courrier qui viennent de décoller. Ces images ont été repassées des milliers de fois dans les semaines qui ont suivi. Moins de deux heures plus tard, les symboles de New York et du capitalisme américain avaient disparu. La chaleur autour de 900°C avait causé l'effondrement des tours jumelles, ensevelissant et tuant 6000 personnes; à 9h40, un troisième avion s'écrasait sur la partie ouest du Pentagone, causant également des victimes et des dégâts; un quatrième avion manquait sa cible et s'écrasait en Pennsylvanie, provoquant la mort de tous les passagers. De nouvelles annonces faisaient état d'une explosion près de la Maison Blanche, et le FDLP (Front Démocratique pour la Libération de la Palestine) était mis en cause. Rapidement ces deux informations disparurent des bulletins d'«information», tandis que les Américains et le monde n'en croyaient pas leurs yeux devant la poussière et la fumée s'échappant de Manhattan, et essayaient de trouver une explication rationnelle à cette attaque sans précédent. Sans précédent, mais non pas inimaginable. D'innombrables films catastrophes ont déjà colonisé ce territoire de l'imaginaire. Cet acte de terrorisme sur le sol américain éclipse l'attentat d'Oklahoma City, par sa portée et sa dimension, et atteint un nouveau degré, de par sa logistique, ses cibles, la destruction qu'il a provoquée, le nombre de victimes, et le choc en retour. Ça a «marché»: la terreur est réelle. Et la limite entre ce qu'on appelait un acte de «terrorisme» et un acte de «guerre» s'estompe. Ces mots ont fait la Une durant quatre semaines. L'administration américaine a déclaré la «Guerre à la Terreur», avec une stratégie se fondant sur l'identification des auteurs à leurs méthodes. Les schémas fictionnels ont été utilisés pour diviser le monde en deux camps, dans le plus pur style américain: Bush a déclaré que, dans cette guerre, chacun devait choisir entre les États-Unis d'Amérique et le Terrorisme («Si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous»), avec pour objectif de «débarrasser le monde du Mal». Une guerre de longue durée fut d'emblée évoquée et «l'ennemi obscur» (CNN) était présenté comme étant un « réseau terroriste» tentaculaire dirigé par Osama Bin Laden, si tentaculaire que le meilleur moyen de «débusquer» Bin Laden passera par une opération secrète, dont les seules autorités devaient déterminer quelle sorte de couverture et d'information pourrait être fournie au public. L'économie américaine était déjà en récession avec des baisses de profits, un accroissement du chômage et une chute des cours de la Bourse, bien avant le 11 septembre, menaçant d'entraîner l'économie mondiale dans une crise latente désormais incontrôlée. Il y eut pénurie de bannières étoilées à travers tout le pays les journaux en ont imprimé pour satisfaire la demande et la mobilisation fut de plus en plus totalitaire; dans une société supposée rationnelle et post-idéologique (mais à un point de crise), la population est maintenant conviée à afficher son sentiment nationaliste et patriotique, et à s'unir en masse derrière une administration utilisant des antidotes traditionnels contre les déconvenues du Capitalisme. Face au terrorisme, le système spectaculaire façonne et manipule l'image de son propre ennemi, pour qu'en comparaison avec lui, son régime semble bien meilleur, alors qu'à la mesure de ses propres mérites il serait largement mis en défaut. Nous avons assisté de chaque côté à l'effervescence des religieux et des militaires pour décider du destin de leur pays ou pour mobiliser à la guerre sainte. Que ce soit en Afghanistan avec les chefs religieux des Talibans, ou aux États-Unis avec une impressionnante coalition de chefs du complexe militaro-industriel, de personnalités du spectacle (téléthon) et d'experts en religion. Bien des choses ont été dites à propos du supposé «sang-froid» du camp Bush. Mais personne n'a semblé revenir sur le type de représailles qu'a exercé l'administration Clinton trois ans auparavant, en réponse aux attentats contre les ambassades. Pas simplement du fait de la portée de l'attaque, mais également parce que la situation mondiale a énormément changée. Et comme l'a précisé CNN dans son style inimitable : «La défaite ultime du terrorisme, la victoire ultime est un objectif difficile.» À un point où la croissance économique reflue du fait de la compétition croissante entre l'Europe et l'Amérique du Nord (on a même parlé d'une Guerre froide cachée), voilà qui qui constitue une bonne opportunité pour «rallier le monde» (Bush) derrière le Capitalisme américain et la Civilisation occidentale (le «Bien») contre le Fondamentalisme islamique (le «Mal»), un infantilisme moral sortant les événements de leur contexte et de l'histoire. Les États-Unis manquaient d'ennemi après le conflit avec l'Union Soviétique, surnommée «l'Empire du Mal» par Ronald Reagan mais cela fonctionnait tant que l'économie «prospérait» (selon une croissance spéculative trompeuse cependant). Le réseau Al-Quaeda de Bin Laden est exactement le genre d'ennemi que les groupes d'experts recherchaient, le script complet se déroulant comme s'il avait été écrit par quelqu'un depuis longtemps, à tel point que si cet ennemi parfait n'avait pas existé, il aurait peut-être fallu l'inventer. Alors que la résolution de l'ONU pousse les 189 états membres à collaborer au combat contre le terrorisme, une définition valide du terrorisme manque toujours, et la campagne américaine doit compter sur l'amnésie pour trouver du soutien. Amnésie, car ce sont les États-Unis qui (tant qu'ils furent utiles contre le «Communisme») ont activement soutenus ces mêmes fondamentalistes qu'ils combattent maintenant, et qui ont financé, entraîné et offert l'asile à des personnes et des organisations qu'on qualifierait pourtant de terroristes selon la plupart des plus récente définitions standards. La solidarité de chacun a donc un prix affiché et/ou laisse des possibilités pour retourner sa veste. Le compositeur Karlheinz Stockhausen a décrit l'attaque contre le World Trade Center comme le plus grand acte artistique de tous les temps (puis a regretté et s'est immédiatement rétracté), mais la plupart des commentateurs ont d'autres préoccupations. Ainsi, de Hillary Clinton à Alan Greenspan, ils ont supplié et encouragé les populations à continuer d'acheter des biens de consommation et des actions. Tony Blair est même allé plus loin dans un discours lors d'une conférence du Labour Party, début octobre: «C'est une occasion à saisir. Le kaléidoscope a été remué, les pièces de couleurs bougent dans tous les sens, ils recommenceront bientôt. Avant qu'ils ne le fassent, ré-ordonnons ce monde autour de nous et utilisons la science moderne pour fournir la prospérité à tous. La Science ne peut faire ce choix à notre place, seul le pouvoir moral du monde actif et communautaire le peut.» Dans le système de croyance de Blair (et de la plupart des autres «leaders») c'est le marché qui est supposé fournir la prospérité un assez vieux mensonge propagandiste de la minorité qui détient le pouvoir et les ressources, alors que dans le même temps la plus grande partie du reste du monde est sur la pente glissante de plus de pauvreté et de misère, et ceci tant que prévaudra la logique pour laquelle les gens comme Blair se battent. Les budgets alloués aux militaires et aux forces de sécurité en Occident sont une allusion au fait que la «science moderne» sera utilisée pour contrôler, surveiller et discipliner les populations aussi bien que pour assurer l'accès aux matières premières (et dans le cas de l'Afghanistan, le contrôle des pipelines du pétrole de la Mer Caspienne). Les assassins-kamikazes ont provoqué d'énormes dégâts avec de tout petits budgets (des cutters furent utilisés pour détourner les avions de ligne), grâce à leur ferme conditionnement pour mourir, leur absence de questionnement sur les motivations de leur cause cléricalo-fasciste, une cause qui suppose une haine violente aussi bien à l'égard des révolutions sociales que de la «poursuite du bonheur» capitaliste. Depuis qu'ils ont été financés par les États-Unis, les fondamentalistes afghans ont bombardé des écoles et tués des enseignants (justifiés par leur idée que les femmes ne doivent pas recevoir d'éducation et que seule la Loi coranique peut être enseignée), et leur obsession à l'égard de ce qu'ils considèrent comme leur «Empire du Mal» s'est maintenant déplacée de Moscou vers Washington et Tel-Aviv. L'Occident fait cause commune avec les terroristes fondamentalistes et les réseaux de la drogue quand il s'agit de servir ses plans pour «ré-ordonner ce monde» (comme dans les Balkans par exemple). Une stratégie communiste ne suit pas ce genre d'option, et doit diriger sa critique contre toute forme de domination et d'exploitation, et en dépit de la mobilisation totalitaire et de la militarisation de la vie quotidienne, nous savons tous que les «pièces de couleur du kaléidoscope» ont été remuées bien avant le 11 septembre. Les luttes qui se sont manifestées à Gothebörg et Gênes, où des centaines de milliers de personnes s'étaient mobilisées contre la globalisation capitaliste, furent un signe important de prise de conscience et de mécontentement. Les États-Unis, qui baptisèrent d'abord avec arrogance leur «croisade» anti-terroriste (Bush), «Justice sans limites» (Infinite Justice), durent par la suite modifier cette formule, car «seul Dieu peut donner une justice sans limites». La campagne a donc été renommée «Enduring Freedom» (traduit en français par «Liberté Immuable»), un terme dont le double sens n'a pas été relevé par la plupart des commentateurs. Alors qu'ils ont probablement une vision «immuable» de la « liberté», fixée et étiquetée par le libre-marché, il reste à voir durant combien de temps les populations de ce monde pourront «endurer» cette liberté, avant qu'elles ne proposent la leur. |
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