éditions de l'éclat, philosophie P.M.
BOLO'BOLO

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ASA'PILI


BETE

NUGO

 

À vrai dire, il est impossible de définir les soins de santé (BETE) comme une tâche séparée. La maladie et la santé ne dépendent pas simplement d'une intervention médicale, ils dépendent de facteurs sociaux et culturels qui caractérisent le mode de vie dans son ensemble. BOLO'BOLO, par son existence même, est la contribution la plus importante à la santé, car il a éliminé de nombreuses maladies qui étaient auparavant les conséquences directes ou indirectes de la société industrielle: les accidents de la circulation, les guerres généralisées, les maladies provoquées par le stress et l'environnement, de nombreuses maladies et accidents du travail, les maladies psychosomatiques et psychiques. Le travail et le stress étaient la cause principale de nombreuses maladies et la disparition du travail salarié a été le meilleur remède.

Les BOLOs eux-mêmes définissent la santé et la maladie (sauf en cas d'épidémies). Tout comme celle de la beauté, de la moralité ou de la vérité, la définition du bien-être varie avec la structure culturelle. Si certains aiment les mutilations rituelles ou les cicatrices décoratives, personne ne peut s'y opposer. Il n'y a pas de distinction absolue entre la normalité et la folie. Les BOLOs décident librement du type de médecine qu'ils considèrent comme appropriée à leur mode de vie(14).

Chaque BOLO doit être capable de s'occuper de simples blessures et des maladies courantes sans aide extérieure. Il organise une clinique BOLO et une équipe permanente d'ibus expérimentés qui sont de garde. Il y a quelques locaux réservés aux soins médicaux, une pharmacie contenant les 200 médicaments les plus utiles, quelques lits, des trousses d'urgence et des moyens de transport. Toute l'assistance médicale est meilleure que par le passé, car personne n'est abandonné à lui-même.

Dans le BOLO, les malades et les autres ne vivent pas séparément (car tous les IBUs sont plus ou moins sains ou malades). Ceux qui doivent garder le lit, les malades chroniques, les vieux, les femmes enceintes, les malades mentaux, les invalides ou les handicapés, peuvent rester dans leur BOLO et ne sont pas isolés dans des institutions spécialisées. Autrefois, la concentration et l'isolement des personnes inaptes au travail (donc malades?) dans des hôpitaux, des asiles de vieillards, des asiles psychiatriques, des maisons de correction, etc. était la conséquence de la faiblesse de la cellule familiale. Celle-ci était tellement rationalisée et enfermée entre le travail et le ménage qu'elle ne supportait plus la moindre perturbation. Même les enfants étaient un problème pour cette famille-là(15).

Il est aussi possible que certains BOLOs transforment une maladie ou un 'défaut' en élément de leur identité culturelle. La cécité peut devenir un mode de vie dans un BOLO où tout est arrangé pour des aveugles. Des BOLOs d'aveugles ou des BOLOs d'handicapés (nous sommes tous des handicapés) peuvent aussi être combinés. Il peut y avoir des BOLOs de sourds-muets où tout le monde communique selon un langage gestuel. (Il n'est pas question de ghetto, mais d'une possibillités de choix.) Il y a peut-être, dans le même ordre d'idées, des BOLOs de fous, de diabétiques, d'épileptiques, d'hémophiles etc., ou rien de tout cela.

Alors que les BOLOs sont largement autosuffisants dans le domaine de l'assistance médicale de base, ils ont besoin d'institutions plus sophistiquées pour les cas particuliers. Pour les cas d'urgence, les accidents et les maladies graves, et pour la prévention des épidémies, il existe un système médical qui utilise aussi les techniques de pointe. À l'échelle des comtés (FUDO) ou des régions (SUMI), les IBUs ont accès à un traitement médical de qualité. Les effectifs pour les soins médicaux sont néanmoins beaucoup plus réduits que par le passé. Dans les rares cas d'urgences, les ambulances, les hélicoptères et les avions sont rapides et il n'y a pas de raison de ne pas les utiliser.

En général, les IBUs sont en meilleure santé qu'avant le BOLO'BOLO. Mais comme il n'y a plus de définition médicale officielle de la santé, la longévité n'est pas une valeur générale. (La longévité a été une valeur officielle, car elle signifiait que la force de travail était en bonne forme et qu'elle pouvait être utilisée pendant longtemps par la Machine.) Il y a des tribus où la vie est courte mais intéressante et il y a d'autres cultures où la longévité fait partie du système des valeurs. Certaines apprécient davantage le risque et l'aventure, d'autres la tranquillité et la durée.


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14. La guerre et la médecine, la violence et la maladie, la mort venue de l'intérieur ou de l'extérieur: voilà des limites qui semblent absolues à notre existence d'aujourd'hui. Nous avons aussi peur des autres que de notre propre corps. Voilà pourquoi nous mettons notre confiance entre les mains des spécialistes et des scientifiques. Comme nous sommes devenus incapables de comprendre les signes de notre propre corps (douleur, maladies, toutes sortes de symptômes) la médecine est demeurée une des dernières sciences dont la légitimation est plus ou moins intacte. Presque chaque saut technologique (que ses conséquences soient ou non catastrophiques) a été justifié par la possibillités d'un usage médical (énergie nucléaire, ordinateurs, chimie, aéronautique, programmes spatiaux). La vie est posée comme une valeur absolue, indépendante de l'idéologie et de la culture. Même le régime politique le plus brutalement totalitaire marque un point s'il est capable d'augmenter la durée moyenne de vie. Aussi longtemps que nous ne serons pas capables de comprendre notre corps et de nous en préoccuper sur la base de notre propre identité culturelle, nous dépendrons de la dictature médicale, d'une classe de prêtres qui peut définir pratiquement tous les détails de notre vie. Parmi toutes les institutions, les hôpitaux sont les plus totalitaires et les plus hiérarchiques. Si la vie (dans son acception bio-médicale) est la principale valeur, nous devrons entretenir un immense complexe médical, des équipements de soins intensifs dans chaque maison, des banques d'organes artificiels, des machines pour prolonger la vie, etc. Ces efforts industriels risquent d'occuper toute notre énergie et tout notre temps, nous risquons de devenir les esclaves d'une survie optimale. La culture est aussi une manière de s'occuper de la mort. Pour construire des pyramides plutôt que des hôpitaux, les Égyptiens n'étaient pas tout simplement fous. Les cimetières, les mausolées pour les ancêtres, les enterrements ne sont pas que du gaspillage de matériel et d'énergie: ils sauvent des vies (contre l'industrie de la vie). Si nous ne sommes pas capables d'accepter la mort sous une forme ou une autre, nous continuerons à tuer et à être tués.


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