éditions de l'éclat, philosophie P.M.
BOLO'BOLO

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ASA'PILI


YALU

SIBI

 

Les BOLOs cherchent à produire leur nourriture aussi près que possible de leurs résidences afin d'éviter de longs déplacements et des transports qui signifient gaspillage d'énergie et de temps. Pour les mêmes raisons, il y a bien moins d'importations de pétrole, de fourrage et d'engrais. Des méthodes de culture appropriées, un usage soigneux du sol, l'alternance et la combinaison de différentes cultures sont nécessaires. L'abandon d'une agriculture industrialisée à grande échelle ne signifie pas nécessairement une réduction des résultats, car cet abandon peut être compensé par des méthodes plus intensives (puisqu'il y a plus de forces de travail dans l'agriculture) et par la préférence accordée aux calories et aux protéines végétales. Le maïs, les pommes de terre, le soja et les autres grains peuvent garantir par leur combinaison une alimentation de base(11). La production animale (qui absorbe justement une grande quantité des cultures mentionnées ci-dessus) est réduite et décentralisée, de même que, dans une moindre mesure, la production laitière. Il y a assez de viande et les cochons, les poules, les lapins ou les brebis se trouvent autour des BOLOs, dans les cours et sur les anciennes rues. Ainsi les déchets de toute sorte sont utilisés de manière 'capillaire' pour la production de viande.

La cuisine BOLO'BOLO est-elle plus monotone? La gastronomie se perd-elle à cause de la réduction massive des importations exotiques et de la réduction de la production de masse des steaks, des poulets, du veau et des filets de toutes sortes?

Les gourmets ont-ils perdu leurs privilèges? Il est vrai qu'on trouvait un large assortiment de nourriture dans les supermarchés (des noix de coco sur le cercle polaire, des mangues en Europe, des légumes en hiver, toute sorte de fruits et de viandes en boîte). Mais en même temps la nourriture locale était souvent négligée malgré sa fraîcheur et sa qualité. Alors que la variété de la nourriture produite localement était réduite (parce que le profit était trop faible ou parce que la culture demandait trop de travail dans une situation économique donnée) il y avait une foule d'importations coûteuses (en énergie), de mauvaise qualité, sans goût, aqueuses et pâles, produites dans des zones de bas salaires. Cette variété factice a conduit au retour de la 'nouvelle cuisine' vers les produits du marché. La production de masse de la nourriture et la distribution internationale n'était pas seulement un non-sens et la raison de la faim dans le monde, c'était aussi un système incapable de fournir de la bonne nourriture.

La vraie gastronomie et la qualité de l'alimentation ne dépendent pas des importations exotiques et de la fourniture de steaks. Un élevage et une culture soigneux, du temps, du raffinement et de la créativité sont plus importants. La famille cellulaire n'était pas adaptée à ces exigences: le temps des repas était trop court et l'équipement était trop pauvre, même s'il était hautement mécanisé. La ménagère (ou un autre membre de la famille) était forcée de réduire ses temps de cuisson et de préparation. Dans de grandes cuisines du KANA ou du BOLO, l'équipement est meilleur, le choix d'aliments à disposition est plus riche, il y a plus de temps et les cuisiniers sont plus raffinés. Il y a souvent un excellent restaurant (gratuit) dans chaque pâté de maison et, en même temps, une réduction du travail, du gaspillage et de l'énergie. Le petit ménage inefficace et de piètre qualité était le pendant de l'industrie agro-alimentaire.

Dans la plupart des cas, la cuisine est un élément essentiel de l'identité culturelle d'un BOLO et, dans ce contexte, elle ne constitue pas un travail, mais elle fait partie des passions productives et artistiques de ses membres. C'est l'identité culturelle (NIMA) qui fait avancer la variété des cuisines et non pas la valeur des ingrédients. Voilà pourquoi beaucoup de plats très simples (et souvent sans viande) d'un pays ou d'une région sont des spécialités dans d'autres endroits. Spaghettis, pizza, mussaka, chili, tortillas, tacos, feijoada, nasi-goreng, curry, cassoulet, choucroute, goulash, pilaf, borchtch, couscous, paella, etc. sont des plats populaires relativement bon marché dans leurs pays d'origine.

La variété possible des identités culturelles dans les BOLOs d'une certaine ville produit la même variété de cuisines. Dans chaque ville, il y a autant de restaurants BOLO typiques qu'il y a de BOLOs et l'accès à toutes sortes de cuisines populaires ou autres est grandement facilité. Il n'y a pas de raison pour que la qualité des restaurants-BOLOs (quelle que soit leur forme ou leur genre) ne soit pas meilleure, car il n'y a ni stress, ni nécessité de rentabilité, pas de bousculade, pas d'heure fixe pour les repas (celle-ci dépend elle aussi de l'identité culturelle de chaque BOLO). Dans l'ensemble il y a plus de temps pour la production et la préparation de nourriture, car c'est là une partie essentielle de la définition que le BOLO se donne. Il n'y a ni multi-nationale de l'alimentation, ni supermarchés, ni garçons de café agités, ni ménagères surchargées, ni cuisiniers...

Comme la fraîcheur des ingrédients est primordiale pour une bonne cuisine, les jardins près des BOLOs sont très pratiques (zone 1). Le cuisinier cueille une partie des ingrédients directement à côté de la cuisine, ou se les procure en cinq minutes dans un jardin avoisinant. Il y a beaucoup de temps et d'espace pour des cultures de dimensions réduites. Beaucoup de rues ont été reconverties ou rendues plus étroites, les parkings, les toits plats, les terrasses, les pelouses décoratives, les parcs d'agrément, les usines, les cours intérieures, les caves, les ponts d'autoroute, les terrains vagues représentent autant de surfaces pour les jardins d'herbes aromatiques, les basses-cours, les porcheries, les étangs pour les poissons et les canards, les clapiers à lapins, les haies de petits fruits, les cultures de champignons, les pigeonniers, les ruches (l'amélioration de la qualité de l'air les a rendues possibles), les arbres fruitiers, les plantations de cannabis, les vignes, les serres, les cultures d'algues, etc. Les IBUs sont entourés par toutes sortes de productions alimentaires de petite taille. (Et les chiens, eux aussi, sont comestibles.)

Les IBUs ont suffisamment de temps pour recueillir de la nourriture dans les bois ou dans d'autres endroits non cultivés. Les champignons, les baies, les écrevisses, les moules, les merlans, les escargots, les châtaignes, les asperges sauvages, les insectes de toutes sortes, le gibier, les orties et autres plantes sauvages, les noix, les fèves, les glands, etc. sont utilisés pour la préparation de mets surprenants. Alors que l'alimentation de base des BOLOs (selon leur identité culturelle) est parfois monotone (maïs, pommes de terre, soja, millet) elle est complétée par une variété innombrable de sauces et de mets d'appoints.

Par ailleurs, la cuisine BOLO est enrichie par les voyages des IBUs, hôtes ou nomades. Ils introduisent de nouvelles épices, des sauces, des ingrédients et des recettes de pays lointains. Comme ces sortes de produits exotiques ne sont nécessaires qu'en petites quantités, il n'y a pas de problèmes de transport. Chaque IBU a, en outre, la possibillités de connaître d'autres cuisines en voyageant: comme il se prévaut partout de l'hospitalité, il goûte gratuitement à tous les plats originaux. Au lieu de transporter des produits exotiques et des spécialités en grande quantité au risque de les détériorer, il est plus raisonnable de faire pour de bon un tour du monde gastronomique. Comme l'IBU a tout le temps qu'il faut, le monde entier se présente à lui comme un vaste 'supermarché' ... et un restaurant.

Mettre en conserve, faire mariner, enterrer, mettre en pots, sécher, fumer, mettre au gros sel, surgeler (ce qui est énergétiquement raisonnable pour tout un KANA ou un BOLO), tout cela contribue à la variété des aliments au cours de l'année. Les garde-manger des BOLOs sont beaucoup plus intéressants que les frigos. Les différentes sortes de vins, de bières, de liqueurs, de whisky, de fromages, de tabacs, de sauces et de drogues fleurissent et se multiplient pour devenir la spécialité de certains BOLOs qui les échangent. (Comme cela était le cas au Moyen Âge quand chaque monastère possédait sa propre spécialité.) La richesse des plaisirs qui a été détruite et nivelée par la production de masse renaît et un réseau de relations personnelles des connaisseurs s'étend sur toute la planète. 



















11. Le soja, le maïs, le millet et les pommes de terre peuvent garantir une alimentation minimum, mais ne représentent pas, à eux seuls, un type de nourriture très saine. Il vaudrait mieux les combiner avec de la viande, des légumes, des œufs, des graisses, des huiles, du fromage, des herbes et des épices. Le soja fournit, à surface égale, 33% de protéines en plus. Si on le combine avec du blé ou du maïs, l'efficacité de sa protéine augmente de 13 à 42%. Le soja peut être utilisé dans une vaste gamme de produits dérivés: tofu, lait de soja, lait caillé de soja, poudre de tofu, okara, yuba, sauce soja, fleur de soja, etc. En Afrique, la fève de niébé est presque aussi utile que la graine de soja (Albert Tévoédjrè, La Pauvreté : Richesse des Peuples, Éditions Ouvrières, 1978, p. 85). Un des problèmes qui se pose au début de l'auto-suffisance alimentaire locale basée sur ce genre de récoltes est la réintroduction du matériel génétique régional, remplacé par les produits industriels, qui sont très instables et très vulnérables.


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