l'éclat

 

  Les Cahiers du judaïsme 31
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Revue publiée par l’Alliance israélite universelle et diffusée par les éditions de l'éclat

Directeur: Pierre Birnbaum

Responsable éditoriale:
Anne Grynberg

Comité de rédaction
Jean Baumgarten
Judith Kogel
Rosie Pinhas-Delpuech
Laurence Sigal

 

Alors que les Juifs dans l'exil étaient dispersés dans une mosaïque de communautés, dans l'attente messianique de la restauration du Temple, les sages assurèrent la fixation, la transmission, l'interprétation de la loi et des traditions scripturaires ; ils participèrent à la survie collective du peuple juif et assumèrent un rôle sociopolitique majeur, en même temps qu'ils incarnaient un idéal éthique de sagesse et de piété. La multiplicité des fonctions dévolues aux sages explique que leur rôle prit parfois une importance démesurée, source de tensions, de conflits et de déviances. Entre une image mythifiée et la réalité sociale, le fossé ne manqua pas de se creuser. Dans ce numéro, nous explorons aussi les distorsions qui n'ont pas manqué d'apparaître tout au long de l'histoire juive, participant à une transformation du mentor spirituel en une forme de 'gourou', tantôt exerçant un pouvoir absolu, tantôt jouant de son magistère pour abuser ou dominer les masses. Les violentes controverses entre sages, le dépérissement de l'autorité, le charlatanisme, sont-ils alors des dérives inhérentes au rôle fondamental du sage dans la société juive ou des symptômes accessoires liés à l'absence de pouvoir centralisé, à l'émiettement des centres d'étude, des lieux de transmission, à l'irruption de formes déréglées de la mystique et à des déviances isolées de leaders gagnés par la folie des grandeurs ?

Prix de l’abonnement 2010
(nos 28-29-30)
France: 48 euros
Étranger: 55 euros
Abonnement de soutien
à partir de 80 euros

Réglement par chèque
à l’ordre de:
Éditions de l’éclat
à adresser à:
Cahiers du judaïsme
C/° Éditions de l’éclat
4, avenue Hoche
F. 75008 Paris

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Les propositions d’articles et de comptes rendus sont à envoyer à la rédaction de la revue:

Cahiers du judaïsme
45 rue La Bruyère,
75009 Paris
tél 01 53 32 88 57
anne.grynberg@aiu.org

Les manuscrits non publiés
ne sont pas retournés.


Sommaire

 

THÈME : MAÎTRES ET GOUROUS

R. Tobia de Vienne et R. Yehiel de Paris. La créativité des Tossafistes dans une période d’incertitude / Ephraïm Kanarfogel

Le magicien, le Tsaddik et le charlatan / Yosef Perl, présenté et traduit par Jean Baumgarten

«Avec nous plus que jamais». Au-delà de l’absence, maintenir la présence du Rebbe de Loubavitch / Yoram Bilu

Sous le regard du Rebbe / Laurence Podselver

«Désirez-vous vous couvrir la tête?». Les bénédictions de Rabbi Amnon Yitzhak / Michele Rosenthal

Les ‘femmes voilées’ de Beit Shemesh / Tamar El-Or

RÉSONANCES : AUTOUR DE BEN-ZION DINUR

La construction de l’histoire juive dans l’oeuvre de Ben-Zion Dinur / Arielle Rein

Entre Palestinocentrisme et nationalisme diasporique. Le double héritage de Ben-Zion Dinur / David Myers

En défense de l’abbé Grégoire / Ben-Zion Dinur, texte traduit et présenté par Maurice Kriegel

VARIATIONS

Une scène «all'ebraica» nouvelle: «Le Novantanove disgrazie di Pulcinella» / Erica Baricci

Herschel Grynszpan et la presse française / Diane Afoumado

Umberto Eco entre Rome et Jérusalem / Emmanuel Foucaud-Royer

BIBLIOTHÈQUE

Tom Keve, Trois explications du monde / Jean Baumgarten

Émile Meyerson, Lettres françaises / Christian Bonnet

Dan Diner et Gotthart Wunberg (dir. ), Restitution and Memory / Johanna Linsler

HOMMAGE AU PRÉSIDENT ADY STEG

ENGLISH ABSTRACTS

 

 


Editorial

 Pendant les périodes antérieures et contemporaines de la Mishna et du Talmud, les docteurs de la Loi, les sages, les savants et les rabbins d’Erets Israel, de Babylone, désignés sous le titre de Hazal (Hakhamenou zikhronam li-verakhah, «nos sages, bénie soit leur mémoire»), ont joué un rôle religieux et social fondamental. Ils assuraient la direction spirituelle du peuple juif, dictaient, transmettaient et étudiaient la Loi. Leur centralité sociale s’accrut après la destruction du Temple et la perte de la souveraineté. Alors que les Juifs dans l’exil étaient dispersés dans une mosaïque de communautés, dans l’attente messianique de la restauration du Temple, les sages assurèrent la fixation, la transmission, l’interprétation de la Loi et des traditions scripturaires;ils participèrent à la survie collective du peuple juif et ils assumèrent un rôle sociopolitique majeur, en même temps qu’ils incarnaient un idéal éthique de sagesse et de piété. La multiplicité des fonctions dévolues aux sages explique que leur rôle prit parfois une importance démesurée, source de tensions, de conflits et de déviances. Entre une image mythifiée et la réalité sociale, le fossé ne manqua pas de se creuser. Dans ce numéro, nous explorons aussi les distorsions qui n’ont pas manqué d’apparaître tout au long de l’histoire juive, participant à une transformation du mentor spirituel en une forme de ‘gourou’, tantôt exerçant un pouvoir absolu, tantôt jouant de son magistère pour abuser ou dominer les masses. Les violentes controverses entre sages, le dépérissement de l’autorité, le charlatanisme, sont-ils alors des dérives inhérentes au rôle fondamental du sage dans la société juive ou des symptômes accessoires liés à l’absence de pouvoir centralisé, à l’émiettement des centres d’étude, des lieux de trans-mission, à l’irruption de formes déréglées de la mystique et à des déviances isolées de leaders gagnés par la folie des grandeurs? Les articles témoignent des qualités contradictoires attribuées au sage, tantôt modèle de vie pieuse, tantôt exploiteur de la crédulité publique et possesseur supposé de pouvoirs magiques. Ephraïm Kanarfogel, à partir de l’analyse de textes de Tobia de Vienne et de Yehiel de Paris, explore la fécondité, l’inventivité, la créativité des deux maîtres Tossafistes dont les controverses, discussions halakhiques, commentaires bibliques et interprétations talmudiques constituent une dimension fondamentale de la vie intellectuelle dans la société juive médiévale. Une autre série d’articles explorent les aspects plus négatifs, sombres, de la figure du sage. Les communautés religieuses dans lesquelles le leader religieux possède une aura magique, des pouvoirs particuliers du fait de sa nature divine, la vénération, la crainte qu’il suscite, peuvent se retourner en des formes d’héroïsation, de déification et de soumission sans limite. La dérive du rabbin en potentat spirituel reste une des principales dénonciations faites par les Juifs des Lumières à l’encontre des Hassidim. Yosef Perl stigmatise ainsi, dans ses contes satiriques, les rebbes comme autant de charlatans qui pervertissent la voie de la sagesse par leur goût du pouvoir et de l’argent. Selon lui, leur piété n’est qu’un masque qui dissimule mal le despotisme, la violence et l’arbitraire. Yoram Bilu et Laurence Podselver analysent comment, dans le courant Loubavitch, le Rebbe est perçu comme un virtuose de la foi –, pour reprendre le terme de Max Weber – un sauveur, dispensateur de la grâce et déclencheur du processus messianique. La radicalisation de ses pouvoirs entraîne une omniprésence de l’image du maître charismatique qui envahit l’espace privé et public. L’adepte est confronté au paradoxe de sa présence familière et de son inaccessibilité quasi divine. Deux articles témoignent, enfin, des mutations, voire des dérives, des déformations de la figure du sage dans les sociétés contemporaines. Le texte de Tamar El-Or étudie la radicalisation des pratiques religieuses dans certains milieux del’ultra-orthodoxie avec le voilement et la dissimulation totale du corps, au nom d’une conception rigoriste, poussée à son paroxysme, de la modestie (Tseniut) d’un groupe de femmes juives à Beit Shemesh, adeptes de la Rabbanit Keren, qui fait écho aux discussions en Europe sur le port du voile. Quant à Michele Rosenthal, elle nous introduit dans une nouvelle forme de diffusion de la Tora par le biais de sermons télévisés, parallèle au développement des télé-évangélistes aux États-Unis. Les médias, la technologie se mettent au service de la transmission des messages des maîtres, servent l’économie de la repentance, du salut individuel, de la dévotion et de la guérison spirituelle auprès de très larges audiences.