ANNEXES
4. une proposition concernant les élections législatives
Suivant l'esprit de la constitution de la République Française chaque citoyen doit être représenté à l'assemblée législative quels que soient ses opinions, ses croyances ou ses engagements. Le représentant de ces citoyens, dans chaque district électoral, est désigné par la majorité des votes qu'il a recueilli: soit une élection à majorité absolue (il est élu au premier tour), soit à majorité relative (il est élu après un second tour).
Ce système semble simple et évident. Pourtant, il reste une question qu'il faudrait encore examiner: de quelle majorité s'agit-il?
La pratique veut qu'il s'agisse de la majorité des votants et non pas de la majorité des inscrits: de ce fait, bien que citoyens à part entière, ceux qui sont inscrits mais ne votent pas sont dépourvus d'existence politique. Autrement dit, ils sont punis de n'être d'accord avec aucun des candidats présentés.
Cette pratique est acceptable tant que le nombre des abstentionnistes se situe au-dessous d'un certain seuil. Mais comment agir quand leur nombre constitue un parti d'importance nationale?
Il est bien question d'un parti. S'abstenir de voter, c'est une opinion politique et la communauté des points de vues entre abstentionnistes, est souvent plus nette que celle qui existe entre électeurs de tel ou tel parti...
Ce qui empêche de reconnaître les abstentionnistes comme un parti politique comme les autres, c'est qu'on ne puisse imaginer un candidat abstentionniste. Le courant abstentionniste, de ce fait, ne peut pas entrer, pratiquement, dans le processus électoral.
Pourtant cette exclusion n'est ni juste ni inévitable. Les institutions de la République française reconnaissent dans un domaine non moins important que celui de la législation la responsabilité de tout citoyen : en effet, pour les assises, le jurés sont désignés par tirage au sort, à partir de la liste des citoyens.
Imaginons un instant que ce même système de désignation des jurés soit appliqué au courant des abstentionnistes; il serait alors reconnu comme une fraction représentative de la nation (donc un parti politique) exprimant son insatisfaction envers les propositions des autres partis.
Supposons encore que le «Mouvement des abstentionnistes», dans une circonscription électorale obtienne un nombre de voix le plaçant en première position du scrutin. Supposons, aussi, pour l'exemple, que ce mouvement soit gagnant au deuxième tour des élections. Ce serait alors le 'candidat' des abstentionnistes qui serait élu.
Dans ce cas précis, le problème du 'candidat' pourrait être résolu, pratiquement, en attribuant à ce mouvement des candidats désignés de la même manière que sont choisis les jurés des assises.
Mais, pourrait-on rétorquer, ce «citoyen tiré au sort» n'est pas forcément au fait des enjeux politiques.
Peut-on affirmer que ces enjeux soient plus compliqués que ceux de la juridiction?
Ce citoyen tiré au sort, assez au courant des enjeux politiques pourtant, pour disposer du pouvoir d'élire n'importe quel dangereux démagogue beau parleur qui le représentera à l'Assemblée n'aurait pas la maturité d'esprit nécessaire pour discuter et voter une loi à cette même Assemblée?
Si tout français quel qu'il soit est capable de juger en tant que juré, est capable d'élire en tant qu'électeur, est capable de faire la guerre en tant que soldat, nous pouvons présumer qu'il est aussi capable de se mettre au fait de la législation.
Mais il est important que le député élu «par tirage au sort» ne se construise pas un pouvoir politique excessif siégeant à l'Assemblée pour 5 ans.
Ce problème aussi a déjà été résolu pour l'institution des assises judiciaires: un juré est désigné pour un unique procès. Nous pourrions donc imaginer que le député élu par tirage au sort ne soit député que pour une durée à définir (pour 6 mois par exemple).
Reste encore la question des campagnes électorales: qui seraient les porte-parole de ce mouvement des abstentionnistes? N'importe qui pourrait évidemment remplir ce rôle: candidats des petits partis qui renoncent à leur présentation au deuxième tour, représentants des associations, des groupes, et peut-être, certains citoyens qui pensent avoir quelque chose à dire. De toutes façons ce ne seront pas eux qui seront élus!
Ce système présente plusieurs avantages. Tout d'abord des avantages institutionnels: il applique des procédés reconnus par la Constitution, et peut alors être introduit sans recours à un amendement de la constitution même.
Deuxième avantage, celui-là politique: l'abstention deviendrait l'expression active d'un courant de l'électorat qui, aujourd'hui exprime son insatisfaction, soit par des votes inutiles, soit en votant auprès des mouvements démagogiques et «extrémistes» introduisant ainsi un facteur de méfiance et de désintérêt envers la vie politique.
Il est évident que cette proposition n'est qu'une idée lancée à l'opinion, idée qui devrait être encore soigneusement discutée et sur laquelle il y a beaucoup à réfléchir. Mais n'est-il pas pensable que cette idée puisse devancer ou arrêter une détérioration générale de l'image de la législation et n'est-il pas pensable qu'elle représente une réponse valable au reproche fait à la France d'être gouvernée souvent par des sondeurs d'opinion?
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