léclat |
Gershom Scholem : Le prix d'Israël |
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Note des éditeurs
Patricia Farazzi & Michel Valensi |
« Que signifient aujourdhui les constatations que jai faites hier? La même chose quhier. Elles sont vraies, si ce nest que le sang coule goutte à goutte dans les rigoles creusées entre les grandes pierres de la Loi. » F. Kafka, Journal, 19 janvier 1922.
Lidée de ce livre est née au cours du travail dédition du volume de David Biale, Gershom Scholem. Cabale et contre-histoire (IIe éd. 1982), paru aux Éditions de léclat en 2001. Les textes publiés ici pour la première fois en français (à lexception de «Sur notre langue»), ont été traduits à partir de leur version originale, en allemand, anglais ou hébreu. «Mouvement de jeunesse juif», «Adieu», «Discours sur Israël», «Israël et la Diaspora» ont été traduits de lallemand par Marc B. de Launay. «Sur notre langue. Une confession», a été traduit de lallemand et présenté par Stéphane Mosès. «Qui est juif?» et «Quest-ce que le judaïsme?» ont été traduits de langlais par Patricia Farazzi. Les articles des années 1929-1931 et lessai «Mémoire et utopie dans lhistoire juive» ont été traduits de lhébreu par Yaïr Or et les éditeurs. Denis Charbit (éditeur du volume Sionismes. Textes fondamentaux, Albin-Michel, Paris, 1998) a mis à notre disposition une traduction antérieure de larticle «Qui sont les diviseurs ?» par Tsvi Lévy, qui nous a été fort utile. Lensemble des traductions a été revu par les éditeurs. Ces quelques notes introductives suivent la chronologie des textes de Scholem choisis pour ce volume. Une notice biographique, en parallèle avec les événements les plus marquants de lhistoire du sionisme et de lÉtat dIsraël, ouvre lensemble, et permettra au lecteur de mieux situer les débats dont il sera question ici. Un glossaire regroupant les définitions dun certain nombre de termes et les biographies sommaires des personnalités évoquées figure en fin de volume. Gershom Scholem est mort à Jérusalem en 1982, laissant une uvre immense dans le domaine de la mystique juive et de la Kabbale, dont la publication, volume après volume, népuise pas le secret. Une autre partie de ses écrits, intimement mêlée à la première, concerne ses engagements sionistes. Ils prirent au fil des ans des formes diverses, mais nen restèrent pas moins toujours fidèles à une définition du sionisme comme un «retour utopique des Juifs à leurs propre histoire» (infra, p. 115 et passim), et à une conviction, dont il fit part à son ami Walter Benjamin dans une célèbre lettre de juillet 1931: «Ce qui a toujours été et reste évident pour moi, cest simplement le fait que la Palestine est nécessaire, et cela me suffisait1» (infra, p. 48). |
1. « Mir war und ist nur von jeher klar gewesen, dass Palästina notwendig ist.» Le terme Palestine désigne ici, faut-il le préciser, la Palestine mandataire et, dune manière plus générale, lentreprise sioniste. Nous avons traduit «Palestine», «Eretz-Israël» ou «Sion», en respectant lexpression quutilise Scholem selon les occasions.
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Nous avons rassemblé ici quatorze essais (lettres, articles ou conférences) dressant à grands traits le portrait dun «Scholem politique», depuis ses prises de position contre le «sionisme en chambre» des mouvements de jeunesse juifs dans lAllemagne du début du vingtième siècle, jusquà celles des années 1970 en faveur dun judaïsme conçu comme «organisme vivant», et donc propre à une perpétuelle reviviscence. Itinéraire de Berlin à Jérusalem, ponctué toujours par une cohérence des actes et des paroles, qui le rend exemplaire.
Berlin
Le Scholem berlinois est un «anarchiste asocial» (Fidélité et Utopie, p. 28). Il conteste toute forme dautorité: paternelle, scolaire ou nationale, et ses prises de position contre la guerre lui vaudront dêtre renvoyé à la fois du domicile familial et de lécole, et de rompre radicalement avec la plupart des mouvements de jeunesse juifs vers lesquels nombre de ses amis se dirigeaient alors [texte 1]. Le 4 janvier 1915, il note dans son journal: «Notre objectif principal: Révolution! Révolution totale! Nous ne voulons ni réformes, ni accommodement, nous voulons la révolution et le renouvellement, nous voulons incorporer la révolution dans notre constitution. Révolution interne et externe. Contre la famille, contre la maison paternelle... Mais surtout, nous voulons la révolution dans le judaïsme. Nous voulons révolutionner le sionisme et prêcher lanarchie, qui signifie labsence de domination.» Le mouvement vers Sion et lapprentissage de lhébreu («jusquà quinze heures par semaine !», De Berlin à Jérusalem, p. 86) lui semblent alors les seules alternatives. Et sil collabore à la revue de Martin Buber, Der Jude, sil milite au sein du groupe «Jeune Judée», et se lie dune amitié profonde avec Walter Benjamin, lEurope en guerre peu à peu séloigne de ses préoccupations essentielles et il se prépare au voyage : «La voie de Sion passe-t-elle par les capitales de lEurope? [ ] Nous voulons tracer une frontière entre lEurope et la Judée: ma pensée nest pas votre pensée, ma voie nest pas votre voie. Nous navons pas tant de gens que cela à vous donner en offrande pour que vous les jetiez dans la fournaise, tel Moloch. Non, nous avons besoin dhommes ayant le courage davoir des pensées juives qui soient leurs pensées finales, ayant le courage de penser et dagir radicalement, dêtre proches de leur peuple afin de ne pas se laisser vaincre par la désinformation, de Londres à Saint-Pétersbourg des hommes que les mots dogmatisme et trahison font éclater de rire.» («Sermon Laïque», Die Blauweisse Brille, 2, 1915 [cité dans Biale, p. 38]). Ainsi l«Adieu» [texte 2] quil signe trois ans plus tard, est à la fois un détachement à légard dune forme de pratique politique désuète à ses yeux, mais également dune condition et dun continent qui lui sont désormais étrangers. La «voie de Sion» souvre alors, et le 14 septembre 1923, Scholem sembarque à partir de Trieste pour la Palestine. Jérusalem
Scholem est à Jérusalem. Mais le chemin pour parvenir à limage quil pouvait sen faire depuis la diaspora est autrement difficile. Le paradoxe de son sionisme semble tenir dans cette phrase de Kafka: «Il y a un but, mais il ny a pas de chemin. Ce que nous nommons chemin est notre hésitation» (Journal, 18.11.1917). Sa voix, alors, singulière, sefforce de dire l«hésitation», quand dautres pensent que désormais le «but final» est atteint. Les articles de 1929 à 1931 [textes 3 à 8], témoignent ainsi de son activité au sein du groupe Brit Shalom, et dune prise de conscience des contradictions internes du mouvement sioniste, en même temps que des conflits qui lopposent aux révisionnistes de Jabotinsky ou aux socialistes du Mapaï. Lanarchiste berlinois devient dialecticien eretz-israélien. «Il ny a pas au monde dexemple plus instructif pour la dialectique propre à tout processus historique que lhistoire du sionisme» écrit-il dans une note inédite (infra, p. 44). «Ce nest que peu à peu que la dialectique sest imposée à moi, par sens du réel, en particulier après mon arrivée en Eretz-Israël, lorsque je constatais les contradictions inhérentes au processus dédification de la nouvelle société. [...] Je nai pas appris la dialectique chez Hegel ou chez les marxistes, mais à partir de mes propres expériences et de ma réflexion sur les complexités du sionisme dans sa phase de réalisation» (Fidélité et utopie, p. 57). Mais outre les combats politiques en faveur dun dialogue juif-arabe, dun état bi-national ou dune nouvelle définition du sionisme, se pose également la question des fondements de cette nouvelle société, en particulier du rôle de lhébreu, déjà évoqué dans les textes berlinois (infra, p. 28, 35) et qui revient alors avec dautant plus de force. Le problème de la sécularisation de la langue sacrée prendrait un tour quasi apocalyptique si, justement, la «dialectique de la révolte et de la continuité» ne jouait pas ici aussi son rôle. On ne peut nier, dans cette perspective, que la lettre à Rosenzweig [texte 9], «À propos de notre langue» de 1926, témoigne dun véritable désespoir. Mais «ce désespoir, qui nest rien dautre que la prise de conscience de notre véritable situation, nous stimule et peut devenir une source de nouvelles énergies positives», écrit-il en 1931 (infra, p. 71): il pourrait indiquer la distance quil nous faut parcourir pour parvenir à le dépasser, pour espérer encore. Scholem parcourra cette distance en silence et dans la solitude. Silence et solitude sur lesquels se fondent, pour lui, la vraie communauté. Navait-il pas déjà écrit, dès 1918: «La communauté veut la solitude: non pas la possibilité de vouloir tous ensemble la même chose, mais seule la solitude commune fonde la communauté. Sion, la source de notre peuple est la solitude commune, voire, en un sens extraordinaire, identique à tous les Juifs, et laffirmation religieuse du sionisme nest autre que celle-ci: le centre de la solitude est en même temps précisément le lieu où tous se retrouvent, et il ne saurait y avoir dautre endroit pour une telle rencontre.» (infra, p. 33)? Étrange vision du politique, à lheure de la célébration du nombre, en toutes parts de ce monde. Ce qui fit dire à Rosenzweig dans une lettre à Rudolf Hallo: «[Scholem] est réellement sans dogme. Il est absolument impossible de lendoctriner. Je nai jamais rien vu de pareil chez les Juifs occidentaux. Il est peut-être le seul qui soit vraiment rentré au foyer. Mais il y est rentré tout seul.» (Cité dans Biale, p. 63). Toutes ces années qui précèdent la guerre sont pourtant des années de travail intense, traversées par de nombreuses crises de toutes sortes. La révolte arabe de 1936, en particulier, qui compromettra pour de très longues années toute nouvelle tentative de rapprochement entre les deux peuples, est une terrible désillusion. Scholem sen confie à Benjamin dans une lettre du 6 juin 1936, livrant une analyse de la situation politique qui nest pas sans faire frémir le lecteur du début du vingt-et-unième siècle: «Depuis plusieurs semaines, et avec une violence toujours croissante, les Arabes mènent une véritable guerre de résistance, qui révèle une puissance inattendue et prend des aspects de guerre terroriste et barbare. Il est vrai que la grève générale des villes arabes est imposée aux Arabes eux-mêmes par une terreur interne, comme lest également son financement, mais le fait même quelle est un succès, et que ses adversaires ne parviennent pas à lenrayer, témoigne dune forte discipline. Dans la mesure où les Juifs au lieu de répondre par une contre-terreur, comme il serait facile de le faire ont fait preuve dune retenue étonnamment disciplinée, qui constitue un succès dordre moral, ils ont jusquà présent conservé une position très forte dans la sphère politique. Si les Juifs ou les groupes de Juifs ne perdent pas le contrôle de leurs propres nerfs ce qui est évidemment lobjectif de ces nombreux actes de terrorisme et de sabotage on ne voit pas comment les Arabes pourront tirer le moindre avantage de cette politique de terreur. Dun autre côté, il est évident quils ne savent pas comment sortir dune aventure qui a certainement été entreprise dans lespoir de pouvoir contraindre le gouvernement anglais, avec des méthodes un peu trop orientales, à stopper lémigration juive. Jusquà présent, ce calcul est totalement erroné, et le gouvernement a maintenu un comportement décidément inflexible. Il est vrai quen fin de compte, il se peut que ce soit nous qui ayons à en payer le prix.» Trois ans plus tard, le second conflit mondial portera à son comble lhorreur et le désespoir du peuple juif. Le frère aîné de Scholem, Werner, ancien député communiste au Reichstag, déporté à Dachau depuis 1935, est assassiné au camp de Buchenwald en 1940. Ses deux autres frères et sa mère émigrent en Australie. Walter Benjamin se suicide à la frontière entre la France et lEspagne. Six longues années du court vingtième siècle. Le 8 mai 1945, depuis Jérusalem, Scholem écrit à son ami Shalom Spiegel : «Je suis seul à la maison. Je repense à ces six dernières années, qui se sont abattues sur nous comme un véritable ouragan, semant la plus totale dévastation. Il est difficile de saluer cette victoire avec un sentiment de jubilation, car si tous les autres ont gagné, nous seuls avons perdu. Et en ce jour dinventaire, une foule infinie de pensées amères se tournent vers nous et vers les autres. Mais malgré tout, un élément tout à la fois nouveau et ancien sest fait jour. Une chose est sûre, le Messie nest pas venu et le monde continue de tourner comme à son habitude.» (A Life in Letters, p. 324) Le monde continue de tourner comme à son habitude et, en janvier 1946, Scholem écrit : «Dun point de vue strictement humain, je crois à la durée éternelle de lantisémitisme: les analyses pourtant très intelligentes de ses nouveaux fondements contemporains ne lempêchent pas de réapparaître dans de nouvelles constellations [...] Le problème de lÉtat mest complètement égal, car je ne crois pas que le renouvellement du peuple juif dépende de la question de son organisation politique, mais plutôt de son organisation sociale. Ma croyance politique est si elle est quelque chose anarchiste1.» La conférence «Mémoire et utopie dans lhistoire juive» [texte 10], où les thèmes benjaminiens de lhistoire affleurent de manière évidente, tout comme lempreinte du Nietzsche de la Deuxième considération inactuelle, qui a écrit: «Il est impossible de vivre sans oubli», date de cette même année. Il est vrai quen 1946, la mémoire des Juifs en Eretz-Israël, semplit jour après jour du souvenir dramatique de ceux des leurs qui furent assassinés en diaspora. Comment donner «une place et un nom» à chacun? Comment assurer la continuité historique des générations? Comment enseigner cette histoire à laquelle on revient dans le cadre très pratique dune éducation (bientôt) nationale? Telles sont les questions abordées dans ce texte central. Mais ce «retour des Juifs à leur propre histoire» ne signifie pas, pour Scholem, quils y entrent en renonçant à ce qui faisait deux «un peuple pas comme les autres». Souvre alors un débat, qui nest toujours pas refermé en Israël, concernant lenseignement des matières religieuses au sein dun système éducatif laïc. Ne serait-ce pas lenjeu de cette société nouvelle que la question puisse se poser encore? Pour Scholem, elle est primordiale, et... «ne nous rendra pas orthodoxes pour autant» (infra, p. 106).
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1. Dans une lettre véhémente à Hannah Arendt du 28 janvier 1946. En réponse à l'article d'Arendt «Réexamen du sionisme». La lettre et l'article d'Arendt sont traduits dans Sionismes.
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Le prix dIsraël Le 14 mai 1948, est proclamée la création de lÉtat dIsraël. Le pays affronte alors plusieurs guerres successives et y répond victorieusement. «Notre peuple a montré quil savait combattre. Mais quel triste monde que celui où pareille démonstration nous a valu plus de respect et plus de considération que lexercice de ces vertus pacifiques pour la maîtrise desquelles on a appelé à fonder lÉtat juif» (infra, p. 117). Les conférences de 1967 et 1969 [textes 11 et 12] nous incitent à justifier le titre de ce volume : Le prix dIsraël. Nous avions bien conscience quil ne pouvait, dans son équivoque volontaire, rendre compte de la complexité des positions de Scholem. Il nen reste pas moins que cest une notion qui revient comme un leitmotiv dans les textes publiés ici (p. 49, 90, 93, 97, 105, 116, 138, 159), comme dans toute son uvre, même si, à Ehud Ben Ezer qui linterroge en 1970, Scholem répond : «Vous me demandez quel est le prix du sionisme, alors que la vraie question nest pas le prix du sionisme, mais le prix de lexil.» Il ne fait pas de doute, pourtant, que lui-même, comme tous ceux qui firent le voyage depuis les différents rivages de la diaspora vers la terre dIsraël, avant ou après la guerre, eurent à payer le plus souvent et lun et lautre. Se pourrait-il alors que le «prix dIsraël» soit celui, aussi, de la liberté dêtre, pour chacun, pleinement dans sa propre histoire, comme a pu lécrire récemment, bien que dans un tout autre contexte, Eric Marty : «Au fond pourquoi ne pas le dire? si nous avions ce sentiment intense que cétait notre liberté qui était en jeu, cest aussi parce quil sagissait dIsraël. Bien que non-juif, il nous semblait donc quatteindre Israël dans son être même, cétait atteindre notre liberté. Cest donc peut-être quIsraël était notre liberté» (Bref séjour à Jérusalem, Paris, Gallimard, 2003, p. 29)? Un telle prise de conscience partagée donnerait alors toute leur dimension aux paroles qui concluent la conférence de 1967 : «En Israël, nous ne doutons pas que les vertus de la paix seront plus fortes et, finalement, plus décisives que celles dont on a dû faire preuve dans ce combat qui nous a été imposé. Sans doute sagit-il au fond des mêmes vertus, mais obéissant seulement à des configurations et des concentrations différentes. Israël a montré quil était prêt à se mobiliser pour sa cause; espérons quil nous sera accordé de nous mobiliser pour elle dans la paix plutôt que dans la guerre» (infra, p. 117). Il suffirait de trouver des oreilles qui entendent.
«Qui est juif?» Cest au terme dun long parcours de questions que reviennent celles, fondamentales, qui consistent à définir «qui est Juif ?» et «quest-ce que le judaïsme ?» [textes 13 et 14]. Ces conférences des années soixante-dix ont un cadre précis, quasi constitutionnel pour le premier, puisquelles participent dun débat général en Israël, qui doit permettre de statuer une nouvelle fois sur la question du droit au retour des Juifs sur la terre de leurs ancêtres, et de la formation dune société pluraliste et laïque, alimentée néanmoins on devrait dire «néanplus» par des sources religieuses. Il nest pas inutile de rappeler dailleurs que ces définitions évoluèrent avec les différents parlements. Au «mur de pierre de la Loi 1» auquel se heurte toute volonté, non pas de réformer ou dassouplir les règles qui définissent le Juif et le judaïsme, mais simplement celle de lui conserver sa propre vitalité interne, Scholem substitue une «transparence de la Loi», en tant quelle nest quune «ombre projetée par Dieu sur le monde», permettant à tout homme décidé et responsable de sy abriter. Le Cantique des Cantiques (2:3) ne dit-il pas : «À son ombre jai désiré masseoir»? Le judaïsme serait alors cette porte que «nul autre que celui qui en franchit le seuil ne pourrait ouvrir, puisquelle nest faite que pour lui». Contrairement au paysan de Kafka, le Juif ne reste pas «devant la Loi» jusquà en mourir. Et quand on sait limportance que Scholem pouvait accorder à luvre de Kafka, au point de la considérer, par certains aspects, comme proprement kabbalistique, on ne peut sempêcher de considérer sa définition dun judaïsme en tant qu«organisme vivant» comme également kabbalistique, dautant que le terme est emprunté à la Kabbale dIsaac Louria. Luvre tout entière de Scholem se concentre alors et revient à ce pan de la culture des Juifs que des siècles de diaspora avaient tenu secret, et néanmoins conservé: cette Kabbale, à laquelle il consacra sa vie. Le retour des Juifs à leur propre histoire permettait dès lors quelle vienne à la lumière, même si le Scholem «matérialiste mystique à tendance dialectique», ne pouvait sempêcher de déclarer que «publier les uvres maîtresses de lancienne littérature cabalistique est la meilleure garantie de son secret». Ce quil fit sans relâche, jusquà ce jour de février 1982, avant daller reposer au cimetière de Sanhédria à Jérusalem, où, à gauche en entrant, et en suivant lallée qui longe le mur denceinte, on peut trouver sa tombe, sur la gauche, dans la première rangée, à environ cent mètres du début de lallée.
Tel Aviv, septembre 2003/eloul 5763. |
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