éditions de l'éclat, philosophie

ANTHOLOGIE DE L'ASSOCIATION
DES ASTRONAUTES AUTONOMES
QUITTER LA GRAVITÉ


 




La méthode Calligaris

Valerio Evangelisti

3
CRITIQUES
ET SPÉCULATIONS

 

 

à l'occasion du Brainstorming Intergalactique
de l'AAA italienne, le 27 mars 1999


La contribution scientifique que je ferai ici est d'un genre un peu particulier. Riccardo Balli a bien précisé, en me présentant, que je suis un bizarrologue, ce qui veut dire que j'aime bien collectionner, lire et étudier un grand nombre de choses inutiles, dans la mesure où ce sont celles qui m'intéressent principalement: ce n'est pas un hasard si je possède une bibliothèque entière absolument démentielle qui me permet de farfouiller dans les théories les plus étranges qui ont pu circuler. Certaines même ont été injustement oubliées par l'histoire, la science ou la culture et je considère qu'il faut également les récupérer, parce qu'elles peuvent permettre de très importants sauts technologiques ou même, comme c'est le cas aujourd'hui, de faire l'hypothèse d'une exploration de l'espace qui aille au-delà de toute technologie. Je vous parlerai donc de la méthode Calligaris.

Le professeur Calligaris (1876-1944) était un médecin célèbre, professeur de neurobiologie à l'Université de Rome et quelques-unes de ses études, en particulier celle sur la circulation du sang, ont été pendant longtemps des références de premier ordre parmi les publications scientifiques et sont encore aujourd'hui citées dans la littérature de ce domaine. Mais au cours de ses recherches, le professeur Calligaris avait également fait une étrange découverte. En examinant un patient, il avait remarqué que si on touchait celui-ci en différents points particuliers de son corps, des réactions plutôt curieuses se manifestaient. On percevait une sensation de froid qui semblait dépendre d'une différence de voltage de sa peau selon certaines lignes qui, une fois repérées, s'avéraient être des lignes droites. Il découvrit en pratique que le corps humain était partagé de haut en bas et circulairement selon des lignes analogues à des méridiens. Les lignes les plus importantes s'accompagnent de plusieurs méridiens secondaires – et la principale passe par exemple par le sommet du médium, alors que d'autres passent et coïncident avec la ligne des mamelons ou avec l'épaule. Le professeur a remarqué quelque chose que personne d'autre n'avait vu avant lui: en percutant ces zones avec de petits marteaux, le patient réagissait. Si le marteau était conservé par exemple dans de l'eau glacée, le patient ressentait indiscutablement des sensations de froid. Et d'autres réactions semblaient démontrer quelque caractéristique particulière de ces zones du corps du patient.

À partir de là, le professeur s'est livré à une étude importante, en éditant pas moins d'une vingtaine de volumes de plus de 600 pages chacun, dont certains sont vendus sous forme de photocopies pour des centaines de milliers de lires par la maison d'édition Andromeda à Bologne. Il se trouve que, comme s'il s'agissait d'un complot, treize des maisons d'édition chez qui il publia ses travaux, firent faillite aussitôt après la parution de son manuel. Il est évident qu'il y eut un climat psychique d'hostilité à l'égard de la découverte qu'il était en train de faire; une découverte d'autant plus retentissante qu'elle s'applique à presque tous les domaines: il suffit de penser qu'à travers elle il fut en mesure de soigner presque toutes les maladies existantes, et surtout le cancer. Il découvrit aussitôt de quoi il s'agissait, en reconnaissant un microbe qui avait la forme d'une roue dentée et qu'il nomma pour cette raison la «sphérole dentée»: il suffisait d'identifier l'encoche correspondant à la présence du microbe et de la percuter avec le petit marteau, et le cancer disparaissait. Comment fit-il pour découvrir la présence du microbe? A travers une autre caractéristique de la méthode Calligaris, à savoir la photo cutanée. L'universitaire romain s'était rendu compte qu'en stimulant ces points et en mettant le patient au contact d'un objet regardé fixement, on parvenait à dessiner l'image de l'objet en différentes parties de son corps. Les photos qu'il prit de verres et autres ustensiles que ses patients regardaient et qui étaient photographiés par le corps même du patient sont surprenantes, et il en advint de même avec des images rougeâtres de lampadaires et autres objets présents dans la maison du docteur. Il n'apparaît pas clairement si par la suite cet effet disparaissait ou persistait, mais en tout cas l'effet était là. En 1938, le professeur Calligaris fut convoqué par les autorités académiques de l'Université de Rome et fut brutalement chassé de l'Université sous le prétexte extravagant qu'il semblait donner des signes effectifs de folie. Le Professeur Calligaris défia les autorités, en invitant les membres présents de l'université à assister immédiatement à une expérience, mais ces messieurs ne voulurent rien voir ni entendre et, sans pouvoir se défendre, Calligaris fut révoqué. Il subit alors un choc terrible et mourut en 1944, non sans avoir pourtant fait la grande découverte qui nous concerne tous et en particulier l'Association des Astronautes Autonomes, à qui je voudrais soumettre cette idée exceptionnelle d'un système qui nous permettrait même de nous passer de navettes spatiales pour une exploration indépendante de l'Espace.

Au cours de ses derniers tests, le Professeur Calligaris expose la plus surprenante de ses recherches, à savoir la possibilité de voyager dans l'espace et de voir les planètes et leurs habitants respectifs à travers les coups de marteaux dont j'ai déjà parlé et à travers la percussion de certains points du corps. Attention, les petits marteaux ne sont certes pas strictement nécessaires, et il suffit d'exercer une pression avec n'importe quel objet, mais il faut avoir beaucoup de patience, parce que, comme l'affirme Calligaris lui-même, au début l'expérience ne réussit jamais. Il est important pour cette technique que le patient pousse des cris: il fera «Aaah!» chaque fois qu'il sera percuté par le marteau, et à partir de la tonalité du «Aaah» qu'il aura proféré, on comprendra s'il a réellement atteint ou pas encore la condition adéquate pour passer à un autre niveau de conscience.

Calligaris découvre substantiellement tout une série de points importants du corps et décrit minutieusement ce qu'il advient en cas de pression. Ces points permettent de regarder les étoiles et de les agrandir sans recourir à un télescope, d'explorer directement les planètes du système solaire, mais aussi celles d'autres systèmes. Calligaris a laissé à travers les récits de ses patients des visions extrêmement fascinantes, réalistes et crédibles des mers et des habitants de Mars, qui sembleraient être plutôt des arthropodes que des êtres humains au sens strict. Mais lui les a vus, et ses patients les ont vus. Alors la question se pose: comment se fait-il que lors des missions spatiales aucune mer ni aucun habitant n'aient été repérés sur la planète Mars? Il y a deux possibilités: soit ce qu'on nous dit ne sont que d'énormes mensonges, ce que confirme d'ailleurs ce qu'on a appris à propos de l'alunissage, parce qu'on ne veut pas nous révéler la présence de martiens pétillants sur d'autres planètes, soit nous devons prendre en compte un phénomène collatéral, à savoir que le patient, en plus du fait qu'il a pu voir les planètes, se décomposait dans le temps et l'espace. Bien au courant des tendances culturelles et scientifiques dominantes, Calligaris affirme, en bon einsteinien et avec une parfaite conviction, que le temps et l'espace sont une seule et même chose qui, en substance, n'existent pas. C'est pourquoi il n'est pas dit que le patient qui voit les habitants de Mars, puisse voir également ses contemporains; il peut avoir vu des individus qui remontent à des milliards d'années, ou qui existeront dans un milliard d'années. Cela me semble une affirmation qui ne peut prêter à aucune controverse pour dire que les démentis infligés aux théories de Calligaris, exposées en vingt volumes au contenu strictement scientifique, ne m'ont pas convaincu et témoignent d'un scepticisme véritablement déplacé par rapport à l'œuvre d'un scientifique si fortement engagé.

Qu'a vu Calligaris en plus de ce dont j'ai déjà parlé? Les habitants de Vénus par exemple, et ce sont peut-être les seuls qui, à l'intérieur du système solaire, peuvent être véritablement contemplés avec précision; et il est même possible, avec un petit effort, d'établir avec eux un bon contact.

Mais il a vu aussi les habitants de mondes très lointains, de systèmes solaires encore inconnus. Le tout à travers une instrumentation qui peut consister en un simple marteau et même pas nécessairement, dans la mesure où, si l'on est en possession d'une carte détaillée des points d'intersection entre les méridiens et les parrallèles du corps humain (i.e. les plaques), je peux faire ce type de voyage également à partir d'une simple pression.

Sur le plan explicatif, la théorie de Calligaris était, en vérité, plutôt lacunaire: il se réclamait certes de la très ancienne théorie de l'homme comme microcosme reflétant un macrocosme, et selon laquelle il existerait donc une correspondance directe entre le corps humain et les planètes, sinon même entre les atomes du corps humain et le cosmos tout entier. Les plaques de la peau ne seraient pas autre chose que des portes dans lesquelles des rayons provenant du cosmos et des rayons émanant du corps se confondent avec des rayons émanant de la pensée, et allant former un grand esprit universel qui n'était compris et interprété que selon son accessibilité technique.

Bien qu'il manque de livres récents sur lui, il est encore possible de trouver des volumes fondamentaux: celui dont j'ai extrait les planches que je vous ai montrées s'intitule Calligaris précurseur d'une ère nouvelle. Il a été écrit par deux de ses disciples il y a vingt-cinq ans, mais je crois qu'on peut encore le trouver.

En lisant ces lignes je croyais qu'il ne s'agissait que de balivernes, s'il n'était une expérience d'une très grande simplicité qui vous révélera la vérité lapalissienne que Calligaris nous a donnée sans forcément la justifier entièrement au niveau théorique. Je vous ai dit précédemment qu'un des principaux méridiens du corps humain passe par le bout du médium: donc si vous appuyez ce doigt sur le bord d'une table et exercez de temps en temps une pression, vous activerez cette plaque qui est sûrement l'une des plus efficaces de toutes. Elle ne conduit pas aux planètes, pour être franc, mais elle vous donnera en tout cas le don immédiat de la voyance: c'est écrit en toutes lettres à la page 78 du volume dont j'ai parlé. J'ai suivi fidèlement les instructions: dans le livre il est écrit que le premières expériences ne réussissent jamais, et en effet, je confirme que les premières expériences n'ont jamais réussi. Le temps moyen est habituellement d'environ dix minutes pour cette opération, mais les premières fois, plusieurs heures sont nécessaires. Vous me direz: mais qui a suffisamment de temps à perdre pour rester là avec un doigt appuyé sur une table?

Je vous dis de penser au fait que vous aurez en retour le don de voyance; ne commencez pas avec vos discours de la médiocrité. Essayez pendant des heures et réessayer encore. Ici. Maintenant. Personnellement, je peux vous dire que je me suis déjà avancé jusqu'au seuil de la vision: j'en suis à au moins vingt expériences et bien que je n'aie encore éprouvé aucune sensation, je sens que j'en suis très près, mais aussi parce que j'ai senti une série de réactions comme un froid aigu au doigt, surtout s'il fait froid dehors, et également ces phénomènes de lassitude, d'épuisement, d'impatience que le livre décrit parfaitement.

Je m'arrêterai ici en disant que nous avons à notre portée une méthode qui nous permet d'explorer les planètes de notre choix, de connaître le passé, le présent et le futur, de vaincre le cancer et presque toutes les autres maladies, et nous en sommes à nous demander si nous ne perdons pas notre temps. Mais quand bien même le perdrions-nous, tenter une expérience qui n'a plus été tentée depuis l'époque de Calligaris en vaudrait bien la peine. Vous pourriez être les premiers à revoir les habitants de la planète Mars, les canaux et les océans martiens.

 

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